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moines ou de religieuses, en quelque église abbatiale. Oh! combien la vue d'une telle assemblée de fidèles est bienfaisante à l'âme! Combien elle repose de l'a

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gitation bruyante, de l'inimaginable laisser-aller dont on a trop fréquemment à gémir, à Napoli, par exemple, ou encore, s'il faut l'avouer, à Palermo, dans la Chapelle Palatine elle-même, pendant l'office canonial! Combien cela tranche sur ce qu'on remarque dans une moitié de la péninsule, et combien cela plaide éloquemment en faveur de la foi des Maltais!

Suivez-les ensuite dans les rues, aux carrefours, sur les places, à travers leur intéressante capitale actuelle, La Valletta, que fonda, en 1535, un des preux de la Chevalerie française, Jean de La Valette, et que les Anglais, qui prennent tout, ont bien pu prendre, comme... autre chose, mais non point faire dévier au protestantisme. Aujourd'hui, un peu partout en France, et jusques à Lyon, dans la bonne et dévote ville de Lyon, le prêtre ne peut plus guère se risquer à faire cinq cents mètres, le long des rues, sans ramasser » au passage une demi-douzaine d'épithètes idiotes ou d'interpellations haineuses. A Malte, il est l'objet de la vénération générale; on le tient pour ce qu'il est, un ami et un père; et, de même que tous les fronts, comme à Varsovie, se découvrent ou se signent, à Malte, lorsqu'on passe devant une église, ainsi chacun se plaît-il à multiplier au prêtre, au dehors, les marques de sympathie et de respect.

J'ai noté tout à l'heure l'attitude irréprochable, l'édifiante tenue des Maltais à l'église, et j'ai dit que j'ai vu briller le rosaire en presque toutes leurs mains. Eh bien! allez maintenant dans l'important et coquet faubourg de Sliema, où ils se baignent car les Maltais sont d'inconfusibles nageurs, capables de plonger, de dix à quinze mètres de haut, avec une fougue incroyable, et de tenir tête, en ce genre de sport, aux indigènes des îles Fidji -, et vous verrez à leur cou pendre une brochette de médailles, et s'enrouler un scapulaire; et vous remarquerez que ces audacieux plongeurs s'arment bravement d'un signe

de croix, chaque fois qu'ils s'élancent dans l'abîme. Ne voilà-t-il pas un signe de croix qui dérouterait, chez nous, bien des savants en x, et en us?

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Un détail encore. Le soir où je reprenais la mer, à bord du Cairola, un batelier taillé en hercule transportait de la rive au paquebot, vers onze heures, trois

colis d'un commis-voyageur allemand, dont le plus léger pesait la bagatelle de cent kilogs. Sans trop d'encombre, il réussit à hisser les deux premiers sur l'échelle du bateau mais, au troisième, soit défaillance, soit fausse manœuvre, il n'en put atteindre le bord; et la masse énorme, qu'il retenait par les courroies, glissa à la mer, menaçant d'y entraîner avec elle le pauvre malheureux. Supposez en une semblable conjoncture un crocheteur de la Cannebière, ou un portefaix de la Villette, et vous entendez d'ici la mousqueterie de gros mots, de mots très gros, qui aurait fort probablement souligné cette malencontreuse glissade. Des lèvres du brave Maltais, au contraire, je n'entendis s'échapper, avec un instinctif cri d'appel aux hommes de l'équipage, que ces invocations vingt fois répétées et toutes pleines, en leur angoisse haletante, d'un suprême espoir dans le secours d'en haut: Santa Maria! La Madona! Santa Maria!... Voilà bien, n'est-ce pas, le cri du cœur, le cri «nature », où se peint sur le vif et se révèle tout entière l'orientation habituelle d'une àme.

Je pourrais multiplier indéfiniment ces exemples et parler encore de la touchante pitié des Maltais pour les pauvres; de leurs magnifiques processions de la Madone, au cortège interminable; des honneurs dont ils entourent, jour et nuit, les monumentales statues de Saints qui embellissent les angles de leurs rues; de... Mais ces détails ajouteraient peu de chose à une démonstration que j'ose croire suffisante : c'est, à savoir, que les Maltais, profondément voués au culte du souvenir de saint Paul, ne le sont pas moins totalement à l'observance des enseignements du grand Apôtre. Ils ont eu le bonheur, et, chose plus rare, le bon sens, de ne rien laisser perdre du précieux dépôt de la Foi reçue en l'année 56; ils sont catholiques, dans les moelles; et, pour le dire en passant, si, de toutes les nations du monde, la France est demeurée

parmi eux la plus sympathique et la plus aimée, ce n'est pas seulement parce que son nom leur rappelle tout un généreux passé de gloire chevaleresque, c'est aussi, c'est surtout parce que, malgré ses erreurs et ses fautes, elle reste aujourd'hui encore à leurs yeux la Fille aînée de l'Eglise. A les frôler et à les observer, on se réconforte donc soi-même; on a devant soi, en plein XXe siècle, comme une idéale vision de ce que durent être, en leur ferveur, les chrétiens des premiers âges. Ne serait-ce point alors le cas de reprendre une citation mémorable, sauf à y introduire deux brèves variantes, et de redire: Felix insula, quae talem ac tantum meruit habere praeceptorem?...

J. DE BEAUREGARD.

LA VALLETTA (Malte), 10 Septembre 1903.

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