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paroissiale dont parle le synode de Caen, cité au commencement de ces notes historiques?

De là, peut-être, provient cette fréquente confusion. entre le Couvre-feu et les diverses sonneries de l'Angelus et de Complies. Essayons d'approfondir cette question.

§ III

SONNERIE DU COUVRE-FEU DISTINCTE

DE L'ANGELUS & DE LA SONNERIE DE COMPLIES

Et, d'abord, en se rappelant ce fait, prouvé d'avance, que l'usage de l'Angelus du soir n'est pas antérieur au XIIIe siècle (1), et que sa pratique ne fut enrichie d'indulgences qu'en 1327, par le pape Jean XXII, on peut déjà le regarder comme distinct du Couvre-feu, dont l'origine est plus ancienne. Si j'ajoute que, dans maints endroits, en Angleterre, en Allemagne et ailleurs, la sonnerie du Couvre-feu avait lieu bien longtemps après celle de l'Angelus, j'aurai puissamment confirmé ma thèse. Et, en effet, l'heure du Couvrefeu varie selon les pays; on peut même constater qu'elle se retarde à mesure que les villes sont pourvues de lanternes et de réverbères (2). Ce n'est donc plus

Caumont, n'avaient ni hôtel de ville, ni beffroi; ce beffroi, pour elles, était la tour ou une des tours de l'église, et c'était aussi dans l'église que se tenaient les assemblées municipales. (Abécédaire d'archéologie, architecture civile et militaire p. 265.)

(1) C'est là une question liturgique que nous ne pouvons traiter ici. On peut à ce sujet consulter la Revue du Clergé français, citée PP. 24 et sq. Acta ss. ord. s. Bened. sec. v. pref. 2117 et sq. - Bollandistes acta ss t. VII (octobre) p. 1018 et sq. P. Esser Histor Jahrbuch des Garresgesellochaft, 1884, pp. 93 et sq. Dowry, 4o édit.; IIo p. c. IV et append., p. 482, etc. On retrouve aussi dans les chansons de gestes quelques traces de cette ancienne prière. (2) Bescherelle, Lictionnaire National, t. I, p. 822.

P. Bridgett Our Lady's

l'Angelus qui sonne à dix heures, comme à Strasbourg (1), bien que cette sonnerie de l'Angelus soit, elle aussi, très variable.

Pourquoi variait-on l'heure de l'Angelus ? C'était la coutume, en certains monastères, d'avancer la récitation de l'office de nuit, qui devait se faire à minuit. ou cinq heures du matin; on récitait les Matines la veille au soir, et on avançait en conséquence les sonneries qui suivaient Complies et celles de l'Angelus (2). Celles-ci devaient avoir lieu à la « Vesprée », au dire de Froissart. C'est alors que le Couvre-feu fut retardé, les villes demandant toujours qu'il fut sonné le plus tard possible, puisque, par ailleurs, l'éclairage des rues assurait davantage la sécurité des passants (3).

J'ai parlé tout à l'heure de la sonnerie des Complies et je vous entends déjà, chers lecteurs, me demander ce qu'elle était.

De nombreux textes nous apprennent qu'il y a des indulgences pour ceux qui, « le soir, réciteront trois « Ave Maria à genoux quand ils entendront le son de << la cloche. » Quel est donc ce son de cloche? Plusieurs pensent avec raison qu'il s'agit ici de la sonnerie qui suivait Complies, sonnerie que l'on affirme remonter au Xe siècle (4) et qu'aurait recommandée le pape Clément V, un jour qu'il se trouvait à Carpentras,

(1) Revue du Clergé français, citée, loi cit. Nous verrons plus loin, qu'à Rochefort, le Couvre-feu sonne de 10 h. à 10 h. 1/2; à Chatillonsur-Seine à 10 heures, etc. (Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, 1. XLVI, col. 252, 456, etc.)

(2) Revue du Clergé français, citée, p. 42.

(3) Bescherelle, op. cit, t. I, p. 822.

(4) Revue du Clergé français, citée, p. 36. Sur la récitation de Complies, abbé Martigny. — Dict. des Antiquités chrétiennes, p. 559, vo Office Divin. III. Cette antique coutume de réciter l'Ave Maria après Complies est prouvée superabondamment par le R. P. H. Thurston, qui a trouvé de nombreuses cloches sur lesquelles sont inscrites de belles invocations à la Vierge, aux XIIe et XIIIe siècles. (Cf. Revue citée p. 40.)

en 1314 (1), et plus tard dans un décret de Jean XXII au peuple de Rome (1327) (2). Il n'y a là aucune relation nécessaire avec le Couvre-feu. Mais nous en trouvons une réelle dans un avis de Jean de Strafford, évêque de Winchester, à son peuple, en 1324, avis qui, tout en regardant la prière finale de Complies, peut aussi s'appliquer à l'Angelus. Le prélat recommande à ses ouailles de réciter trois Ave Maria à chacun des trois coups de la cloche, soit en tout neuf Ave « au commencement du Couvre-feu »(3). Cette sonnerie précède donc le Couvre-feu. Il en est de même pour celle qu'ordonne le Doyen Goddeley au peuple de Wells : « On sonnera trois coups, à trois reprises très rapprochées, sur la grosse cloche de la cathédrale, pour inviter les fidèles à réciter les trois. Ave Maria, et cela peu de temps avant le Couvre-feu»(4). Ce passage du livre de Laudibus Papiæ (1331) prouve complètement notre dire « Un peu de temps après le signal donné par la salutation de Notre-Dame, on sonnera la cloche appelée cloche des buveurs, après quoi, il est défendu de boire dans les tavernes qui ne doivent point demeurer ouvertes » (5).

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Je pourrais encore apporter comme preuve les témoignages synodaux du XIVe siècle, qui différencient d'une façon complète la sonnerie du Couvre-feu de celle de l'Ave Maria du crépuscule. Le concile de Sens, tenu en 1346, prescrit l'Ave Maria du soir

(1) Clément V, pape, 1305-1314.

(2) Jean XXII, 1316-1334. Ce même pape approuve en 1328 une pratique observée dans le diocèse de Saintes et accorde dix jours d'indulgence à ceux qui, « le soir, réciteront trois Ave Maria, à genoux, quand ils entendront le son de la cloche »; le mot soir est trop vague pour que nous puissions trouver là le Couvre-feu, Cf. Revue du Clergé français, citée, p. 38.

(3) Même revue, loc. cit.

(4) Wells, deux villes de ce nom, l'une au nord-ouest de Norwich, sur la mer du Nord; l'autre au sud de Bristol (Angleterre). Même revue, loc. cit., (d'après le R. P. H. Thurston).

(5) Même revue, p. 38.

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« tempore seu hora ignitegii ». A Tréguiers, l'évêque veut, en 1334, qu'on sonne trois fois la cloche avant le Couvre-feu; vers 1370, on parle, à Nantes, de l'ignitegium, appelé en français Courre-feu. Et je pourrais citer des textes analogues pour toute l'Europe chrétienne (1).

N'est-ce point de cette sonnerie du crépuscule qu'est venu cet usage observé en plusieurs de nos grandes églises, usage qui veut qu'une sonnerie à branle succède aux trois coups de l'Angelus? Cette sonnerie à branle ne remplace-t-elle point le Couvre-feu qui suivait les trois coups de l'Angelus ? Un décret synodal semblerait toutefois nous contredire, car l'heure de l'Angelus y est indiquée « post completorium in crepusculo noctis de die... cum pulsetur seu repiquetur (sic) cimbalum aliquantulum per tres pausas » (2).

Quoi qu'il en soit, ces textes prouvent bien que les trois coups de l'Angelus du soir et la sonnerie de Complies étaient réellement distinctes du Couvre-feu.

Avant de poursuivre mon enquête à travers l'époque moderne, je veux citer encore quelques exemples du Couvre-feu avant le XVe siècle.

D'après les statuts de Litchfield et Lincoln (1270), le Couvre-feu devait être sonné, chaque soir, pendant un quart d'heure au moins, le temps de parcourir à pied un mille ou même une demi-lieue (3). Un synode de Breslau (1331) prescrit les mêmes sonneries (4). En dernier lieu, M. Th. Courtaux mentionne une ordonnance de Philippe VI de Valois, dont il ne donne pas le texte, et qui enjoint de sonner le Couvre-feu soir et matin (5). D'après M. Courtaux, cette ordonnance

(1) M. Boudinhon apporte encore, comme autres preuves, les usages des anciens ordres, le témoignage des vieux canonistes, Calderini, par exemple. Cf. même revue, pp. 35 et sq.

(2) Décret de Ponce de Aquilanido, évêque de Lérida, en 1308. (3) Même revue, p. 41.

(4) Cf. Même revue, p. 39.

(5) Intermédiaire des Chercheurs et Curieux, 1. XLVI, col. 332.

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de Philippe VI aurait été annulée par Henri II. De tout ce qui précède, on peut donc conclure que le Couvre-feu fut d'abord une sonnerie ecclésiastique je ne dis pas religieuse; puis, la société se transformant, cette sonnerie fut adoptée par le seigneur et la commune; dans tous les cas, elle fut une mesure de sécurité, se distinguant en cela des sonneries de l'Angelus et de Complies. L'application spéciale qu'en firent Guillaume-le-Conquérant et ses successeurs ne fait que confirmer cette thèse. Etabli, en effet, pour faire fermer les cabarets obscurs et mal famés, lieux ordinaires des conspirations et des complots, surtout à une époque où les rues étaient étroites et mal éclairées, le Couvre-feu fut, pour les nouveaux rois d'Angleterre, un grand instrument de politique, alors qu'il n'était ailleurs qu'un simple règlement de police.

Dans les articles suivants, aimables lecteurs des Annales, nous continuerons notre promenade à travers les âges et nous pourrons constater que partout et toujours fut en vigueur l'usage du Couvre-feu.

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Ce dessin, dû à la plume artistique de notre excellent collègue M. J. Ravoux, représente les anciennes armes de la ville de La Flèche. Aujourd'hui, en effet, notre cité garde comme écusson celui que l'on voit sur la couverture des Annales Fléchoises et qui a été donné à l'Hôtel de Ville de La Flèche au moment de son érection, en 1615,

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