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TOMBES JUMELLES

(DANS LE CIMETIÈRE DE ... ノ

Laudate, pueri, Dominum.

La lueur d'un jour de Novembre,
Sans chaleur ni rayonnement,
Eclaire le mur tristement

D'un pâle et terne reflet d'ambre.

Soufflant funèbre, âpre, glacé,
Le long du cloître aux froides dalles,
Le vent aux plaintives rafales
Semble la voix d'un trépassé.

La mort fait bien des hécatombes
Avec ce premier froid — si dur!
A mes pieds, tout contre le mur,
J'aperçois deux petites tombes...
Tranchés d'un même coup de faux,
Ils sont couchés là, les deux frères,
Ayant de nos jours éphémères
A peine pressenti les maux...
Comme je plains le pauvre père,
L'humble foyer, la mère en pleurs!
Mais vous, de combien de douleurs
Vous sauve la mort tutélaire!
Vous ne connaîtrez pas, enfants,
La vie et ses sombres tristesses...
Elle n'eut que joie et tendresses
Pour enchanter vos jeunes ans.
Il faut que la force décroisse
Chez ceux qui sont notre bonheur...
Vous, de cette lente douleur
Vous ne connaitrez pas l'angoisse!

Vous ignorerez le malheur,

La torture impossible à peindre! -
De voir souffrir, vieillir, s'éteindre
Les bien-aimés de votre cœur.

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Ah! comme vous êtes bénis!

Dieu, qui dès l'aube vous réclame,

Reprend toute blanche - votre âme,
Petits voleurs de Paradis!

Vous avez quitté, sans souillure,
Un chemin - à peine entrevu;
Et vos yeux innocents ont vu
Le Créateur de la Nature.

Loin du monde, de ses erreurs.
De ses pièges, de ses souffrances,
De ses menteuses espérances
Et de ses mirages trompeurs,

Délivrés du sombre anathème,
Vous allez éternellement
Dans son divin rayonnement
Contempler la Beauté Suprême.

Aussi, près de quitter le lieu
Où dorment vos tombes jumelles,
J'écris au bas de l'une d'elles :

་་ Qui meurt jeune est aimé de Dieu. »

L'herbe cache, et la pluie efface;
Ces mots bientôt disparaîtront,
Et mes yeux n'en retrouveront
Après quelques mois nulle trace.

De lendemains en lendemains
Vos jeunes corps, couchés sous terre,
Deviendront un peu de poussière
Qui tiendrait toute dans mes mains.

Mais, immortellement vivantes
Pour louer sans fin le Seigneur,
Au sein de l'Eternel Bonheur
Je vois vos àmes triomphantes;

Et ce triste enclos de la Mort,
Où votre dépouille repose,

A mes yeux n'est plus autre chose
Que l'accès radieux du port.

Novembre 1902.

Henry GAUDIN.

EN FLANANT

AU PAYS DE RONSARD

III.

A un quart d'heure de la Poissonnière, en suivant. le coteau vers le couchant, on rencontre le manoir de la Denisière. Des bâtiments de jadis, il ne reste plus qu'une petite tourelle au toit effilé dominant la vallée.

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Le vignoble de la Denisière avait bonne renommée. Au dire de Ronsard, quand Bacchus vint camper sur les bords du Loir, ce fut sur cette terre que le dieu s'arrêta :

Là ta main provigna une haute coutière,
Qui de ton nom Denys eut nom la Denysière.

Mais ce n'est point à cause de son cru que je suis venu voir la Denisière.

Ce manoir, le 14 mai 1573, fut le théâtre d'un drame. sanglant. Je veux vous le conter: D'abord, c'est beau, un beau crime!! comme disait J.-J. Weiss. Puis, ce crime-là est un exemple assez horrifique de la sauvagerie des hommes du seizième siècle. Enfin, il fut commis par quatre Ronsard, parents de Pierre de Ronsard, le poète.

Une relation de ces assassinats fut publiée l'année suivante, «< chez Noël Lecoq, tenant sa boutique en la galerie Saint-Michel, près la cour du Palais » (1).

Elle précédait le texte de l'arrêt qui avait condamné les assassins. C'est ce récit que je transcris, en abrégeant et en éclaircissant la syntaxe qui est un peu embrouillée.

Un certain Guillaume de Ronsard, seigneur des Roches, étant mort sans enfants, sa veuve, demoyselle Magdaleine de Monceaux, habitait la Denisière. Elle avait, au sujet de la succession de son mari, de grandes difficultés avec Nicolas de Ronsard, son beaufrère.

Ce Nicolas de Ronsard était un assez singulier personnage; il aimait les lettres, correspondait avec des poètes; mais il était avare, sans scrupules et fabriquait, dit-on, de la fausse monnaie.

Il commença par intenter un procès à la veuve de son frère, puis conclut avec elle une transaction qu'il s'empressa de ne pas exécuter. Aux plaintes de sa belle-sœur, il répondit par des injures atroces. La demoyselle de Monceaux fut obligée de demander à la justice d'être relevée de la transaction. Elle allait sans doute l'obtenir, quand Nicolas résolut de s'assurer par un crime l'héritage entier de son frère.

Il associe d'abord à son dessein son frère, Gabriel

(1) Elle a été réimprimée par Achille de Rochambeau dans son étude sur la famille de Ronsard.

de Ronsard, surnommé le prieur des Roches, et son cousin Jean de Ronsard, dit l'ami des Beaumont, dont l'avaient jusqu'alors séparé des inimitiés héréditaires. Il s'entend aussi avec la veuve Doré et son fils, voisins de sa belle-sœur, afin d'être averti des allées et venues de celle-ci.

Le 12 mai, le prieur des Roches se rend à la maison Doré, accompagné de Marin Amisseau, dit le Borgne des Céaux, son jardinier, et de Julien Baucler, dit Mitron. Ces gens de bien règlent ensemble les détails de l'entreprise.

Ayant indiqué au Borgne et à Doré un lieu de rendez-vous près de la Denisière, le prieur va, en la compagnie du Mitron, au château de Beaumont-laRonce. C'est là qu'il retrouve Jean de Ronsard. Ce dernier estime que, pour la besogne à accomplir, la bande n'est pas encore en force et il lui adjoint son frère cadet Jean-Baptiste de Ronsard, son domestique Penillau et le cordonnier Guyet. Puis, afin de n'éveiller aucun soupçon, tout le jour, on tient levés les ponts du château de Beaumont-la-Ronce. On les abaisse seulement à six heures du soir; et la petite troupe se met en route pour la Denisière.

Pendant ce temps, Nicolas, l'instigateur du complot, demeure au Mans où il tient sur les fonts l'enfant d'un conseiller, «pour, à l'exemple de Pilate, se laver les mains du sang innocent. »>

Vers minuit, tous les conjurés sont aux abords de la Denisière. Ils laissent les chevaux à la garde du Mitron. Ils s'habillent de « sesquenies et de guestres et se masquent des taffetas de leurs chapeaux. » Le prieur des Roches entre par une fenêtre et ouvre la maison à ses compagnons. Tous se mettent à heurter furieusement à la porte de la chambre où Magdeleine de Monceaux est couchée.

Celle-ci plus curieuse de son honneur que de sa vie » n'est gardée que par une femme de chambre et

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