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de ces inflexions qui indiquent, dans les substantifs et les adjectifs, les genres, les nombres et les cas; dans les verbes, les voix, les temps et les personnes. De plus, le même mot peut changer de valeur en changeant de position et devenir substantif, adjectif, verbe actif, verbe passif, verbe neutre ou adverbe. Par exemple, le mot chen, peut

signifier le bien, bon, estimer-bon (approuver) et bien, adverbe. Lorsqu'on connaît suffisamment le mécanisme de la langue chinoise, ce mot est aussi clair, dans ses différentes positions, que les mots latins bonum, bonus, bonum-judicare, bene.

D'où il suit que, pour entendre le chinois, il ne suffit pas de savoir un nombre considérable de mots. Quand on aurait gravé dans sa mémoire les neuf mille mots exigés autrefois pour devenir l'un des historiens de l'empire, on ne serait pas en état de comprendre, avec ce seul secours, une demi-page du texte chinois le plus facile. Pour donner à chaque mot la valeur qui résulte de sa position et saisir le rôle varié des prépositions et des particules qui déterminent les rapports réciproques des mots, il faut avoir étudié la langue rationnellement, avoir analysé et pour ainsi dire disséqué, d'une manière philosophique, les textes les mieux traduits par les missionnaires ou par les savants d'Europe qui les ont pris pour guides. On arrivera alors à saisir avec certitude les valeurs de position d'où dépend en grande partie la connaissance de la langue chinoise. Envisagée sous ce point de vue, elle présente des difficultés d'un genre particulier, mais qui ne sont ni plus graves ni plus nombreuses que celles des autres langues de l'Orient ou de l'Asie. Nous avons vu plusieurs personnes qui, après quelques années d'études sérieuses, se sont mises en état de lire, de traduire ou d'analyser avec toute l'exactitude désirable les textes chinois, anciens et modernes, qui se rapportaient à leurs études. Qu'il me suffise de citer M. Bazin aîné, qui a donné au monde savant un premier volume de drames chinois traduits en entier, prose et vers, et qui se dispose à publier la traduction complète d'un drame. célèbre en vingt-quatre actes; M. Théodore Pavie, qui a su mener de front l'étude du sanscrit et du chinois et acquérir en peu d'années une connaissance très-remarquable de ces deux langues, et à qui la littérature est redevable d'un volume de nouvelles chinoises qui se distinguent autant par l'élégance du style que par une fidélité rigoureuse; et M. Biot fils, que ses études précédentes et une connaissance solide de la langue chinoise mettent en état d'exploiter, au profit de la science, les textes écrits en style ancien et relatifs à l'histoire, à la

géographie, à la statistique ou aux arts de la Chine. Les lecteurs du Journal Asiatique ont eu maintes fois l'occasion d'apprécier les mémoires dont il a enrichi ce recueil. Il se prépare à imprimer la Concordance alphabétique des noms de villes chinoises du premier, deuxième et troisième ordre, qui ont changé sous les différentes dynasties. Ce sera à la fois un nouveau titre pour l'auteur, et un service rendu à l'érudition.

Je pourrais ajouter à ces noms celui de M. Edme Méchain (petit-fils de l'astronome du même nom), qu'une mort prématurée a enlevé à la science au milieu de ses fonctions de vice-consul à Smyrne. M. Méchain avait étudié le chinois tout en faisant son droit et n'y consacrait que ses moments de loisir, et cependant, au bout de trois ans, il était parvenu à lire aisément les auteurs. Fils d'un consul général, et voué à la même carrière, il nourrissait l'espoir de devenir un jour consul de France en Chine, et de pouvoir faire servir ses connaissances acquises dans la langue du céleste empire, au profit du commerce, de l'industrie et des lettres. On ignorerait encore son nom, comme sinologue, sans la mention que je regarde comme un devoir de faire ici de son zèle et de ses remarquables progrès dans le chinois.

Il est donc bien établi, et par les exemples que je viens de citer, et par une sorte de notoriété publique, qu'on peut, en général, acquérir en quelques années une connaissance suffisante de la langue chinoise. Mais il est une condition indispensable, c'est qu'on étudiera avec soin les lois de la construction, les principes constants qui déterminent les fonctions grammaticales des mots et qui en modifient la valeur suivant la place qu'ils occupent dans la phrase, le rôle des prépositions, qui tantôt sont significatives comme celles des autres langues, tantôt perdent leur sens usuel pour devenir des marques purement phonétiques de régime, ainsi que je crois l'avoir démontré dans la dissertation qui termine mon édition chinoise-latine du philosophe Meng-tseu.

Si l'on s'affranchissait de ces règles, qui remplacent, aux yeux des sinologues, les inflexions des mots dans les autres langues, et qui sont leur meilleur guide dans l'interprétation des textes, on pourrait s'occuper du chinois pendant de longues années, sans jamais être en état de les traduire fidèlement,

Pour démontrer cette vérité sur laquelle on ne saurait trop insister, j'ai cru devoir soumettre à une analyse grammaticale douze pages de chinois dont la traduction fait partie de quatre articles du

nouveau Journal Asiatique, intitulés Examen méthodique des faits concernant l'Inde.

Lorsque les deux premiers fragments eurent paru dans les numéros d'octobre et de novembre 1839, je ne pus, faute d'avoir le texte original à ma disposition, m'assurer si le traducteur (M. Pauthier) était parvenu à reproduire fidèlement les documents historiques que lui fournissaient les auteurs chinois. Cependant, beaucoup de passages cités en note, et qu'il est presque impossible de faire concorder pour la plupart avec la version française, m'inspirèrent des doutes sérieux. Ces doutes se changèrent en certitude lorsque j'eus lu, dans les numéros de décembre 1839 et de mars 1840, la traduction incomplète d'une notice sur l'Inde (en vingt et une pages), par le voyageur Hiouen-thsang, dont je possède la relation entière, formant cinq cent quatre-vingt-cinq pages in-8°.

Je rédigeai immédiatement l'article suivant, qui est terminé depuis le 20 avril 1840, afin de préserver des erreurs que j'y signale les personnes qui se tiendraieut trop peu sur leurs gardes, ou qui seraient tentées de traduire des textes difficiles, avant d'avoir approfondi les règles fondamentales à l'aide desquelles on peut les éviter. Mais, pour imprimer les citations en caractères originaux, il fallait clicher, frapper, fondre et poinçonner plus de huit cents types différents. Divers travaux longs et difficiles relatifs à l'impression du catalogue général des quarante-deux mille signes que j'ai fait graver en Chine, à mon édition chinoise-française de Lao-tseu, qui va paraître incessamment, et à la Concordance géographique, en chinois et en français, que prépare M. Biot fils, n'ont pas permis à l'Imprimerie royale de terminer avant le 15 mars 1841 les types chinois dont j'avais besoin.

On se méprendrait étrangement sur mon caractère, si l'on pouvait me supposer un seul instant la plus légère intention de blesser M. Pauthier dont j'estime le zèle et dont j'apprécie les efforts. Le but que je me propose ici est plus digne et plus élevé. J'ai voulu uniquement donner des conseils à toutes les personnes qui étudient le chinois, afin de leur inspirer une juste défiance d'elles-mêmes et de les forcer, dans leur intérêt, à réfléchir mûrement sur les principes essentiels dont l'oubli a égaré plus d'un sinologue, et sans lesquels il est impossible d'acquérir une connaissance solide de la langue.

Je m'estimerais heureux si ceux à qui je m'adresse trouvaient dans cet article de nouveaux motifs et aussi de nouveaux moyens d'étudier

à fond les lois de la syntaxe et surtout les règles de position, qui sont presque l'unique boussole du sinologue, avant de s'aventurer à publier la traduction du texte chinois le plus facile, en style antique ou en style moderne.

1.

Stanislas Julien : « Les différents auteurs qui veulent faire connaître

• le nom de l'Inde s'expriment d'une manière confuse. »

M. Pauthier traduit: Si l'on veut déterminer avec précision et exactitude le sens du terme Thien-tchou, on éprouve beaucoup d'embarras. »

Il ne s'agit point ici du sens étymologique du mot Thien-tchou (l'Inde), mais des synonymes purement phonétiques par lesquels on désigne l'Inde et qui sont des altérations plus ou moins fortes ou bizarres du mot indou (l'Inde). Plus bas, Hiouen-thsang n'en

cite que deux, mais on en trouve un plus grand nombre dans le dictionnaire Choue-wen, savoir chin-tou, ou chin-to, 身篤

thien-tchou 天竺,yuen-tou 捐毒 (prononcez suivant Khang

hi, yun-tou pour in-dou), hien-teou. On voit qu'il y a, dans ces différents sons, une véritable confusion.

M. Pauthier a passé les mots i-i les différentes opinions, et il a rendu par les mots on a éprouvé beaucoup d'embarras, le verbe dissyllabique kicou-fenêtre confus (les diverses opinions sont confuses).

Le mot thsiang

signifie simplement ici énoncer, en mandchou analambi, mot que le dictionnaire mandchou-chinois explique par yun-chouedire, exprimer; le dictionnaire de Khang-hi explique aussi thsiang par yen, dire, exprimer.

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2.

舊云身毒。或日賢豆。

今從正音。宜云印度。

S. J.:Anciennement on disait Chin-tou, quelques auteurs disent Hien-teou. Aujourd'hui, pour se conformer à la prononciation exacte, il convient de dire In-tou. »

D

M. Pauthier: « ....Maintenant, d'après une prononciation exacte et qui lui convient, on le nomme In-tou. »

Il rattache le verbei (il convient) au substantif précédent in (son), en lui donnant le sens de l'adjectif convenable, quoique la syntaxe s'oppose à ce qu'un mot qui suit un substantif lui serve de qualificatif. Puis il rend le verbe neutreyun (dire, prononcer), par le verbe actif nommer.

3.

印度之人,隨地

稱國殊方異俗。

S. J. Les Indiens, suivant la région qu'ils habitent, donnent à leur royaume un nom particulier. Chaque pays a des usages dif<férents. >

M. Pauthier traduit : « Les habitants de l'Inde, pour se conformer aux conditions de leur pays, nomment leur royaume région humiliée, ‹ subjuguée, détruite, terme qui exprime des coutumes différentes et < une grandeur déchue. »

1° Il rend les mots

souï-ti-tch'ing-koue (littéraralement : « suivant le pays, ils donnent un nom à leur royaume, » c'est-à-dire ils donnent à leur royaume un nom qui varie suivant chaque pays) par pour se conformer aux conditions de leur pays. » 2o Il traduit l'expression tchou-fang « les différents pays,» par « région humiliée, subjuguée, détruite » (1), et fait de ces mots,

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