תמונות בעמוד
PDF
ePub

Sans m'insinuer en flatteur, Je prends la figure d'un sage, Et, scrupuleux observateur Des bienséances de mon âge,

Je n'en veux qu'à votre amitié; C'est une faveur singulière. Ne m'obligez pas qu'à moitié; Accordez-la moi tout entière,

[blocks in formation]

Dom Bonaventure d'Argonne (Vigneul - Marville), remarque, en ses Mélanges, que la Normandie est, de toutes les provinces de France,celle où les poëtes naissent le plus facilement: il cite Jean Marot, Malherbe, Patris, Sarrasin, Segrais, Georges et Madeleine de Scudéry, SaintAmand, les deux Corneille, Brébeuf, Benserade et le cardinal Davy Duperron; et il conclut de cette quantité de poëtes que le tempérament flegmatique, le plus commun en Normandie, est le plus favorable à la fureur poétique.

S'il a jamais été permis de mêler la nosologie à la littérature, c'est bien à propos de Brébeuf, qui, à la difformité près, fut aussi maltraité d'Esculape que Scarron, et qui, selon ses biographes, ne put donner au travail que les heures d'intervalle que lui laissait une fièvre lente qui le mina pendant vingt ans. Ses lettres à ses amis sont pleines de doléances sur ses maux, sur les rhumatismes qui l'accablent, sur les douleurs de dents qui le torturent, sur la fièvre et l'insomnie qui l'épuisent! Tellement qu'il est merveilleux, comme le dit avec raison Goujet, qu'accablé de tant d'infirmités il ait pu faire encore ce que nous voyons. Et en effet l'œuvre de Brébeuf, qui forme, en y comprenant ses ouvrages posthumes, sept à huit volumes dont un de poésie épique, n'est point inférieure pour le nombre à celles de la plupart des poëtes de son temps; surtout si l'on considère que ce valétudinaire mourut à quarante-trois ans. Assurément, ce mauvais état de santé a dû laisser des traces dans l'œuvre de Brébeuf; non pas à la vérité celles qu'ont relevées les critiques de son siècle et du siècle suivant, qui tous ont attribué à la maladie la négligence et l'inégalité tan! reprochées au style de Brébeuf. Un littérateur de nos jours, M. Gabriel

Montigny, a, dans un remarquable article de la Revue de Paris, décidé ce point en quelques lignes qui sont une appréciation excellente du caractère et du génie de Brébeuf : « Bien que sa mort prématurée, dit-il, après une vie de souffrances, ne lui ait pas permis de revoir ses ouvrages, il ne faut pas croire pour cela qu'il les eût beaucoup améliorés s'il eût vécu. Nous ne pensons pas qu'avec les années, Brébeuf eût jamais produit quelque chose d'achevé. Son talent inégal, son travail irrégulier, la légèreté même avec laquelle il se justifie du reproche d'incorrection, ne doivent laisser aucun doute à cet égard. C'était un homme qui marchait toujours devant lui, sans jamais revenir en arrière pour mettre la dernière main à son travail. » Tel était Brébeuf en effet ; il avait l'humeur audacieuse, la hauteur quelque peu castillane des poëtes de la haute Normandie, qu'ils s'appellent Corneille ou Scudéry, et dont Malherbe a donné plus d'une preuve. Il confesse dans ses préfaces qu'il abandonne les taches de ses ouvrages aux censeurs pointilleux. Il avait dit, avant un de nos poëtes contemporains, qu'il lui était plus aisé de se corriger dans un nouvel ouvrage que de perfectionner un ouvrage déjà fait; et sans doute, dans sa poursuite constante du sublime, il lui était indifférent de laisser voir par où il avait passé pour l'atteindre :

Malgré son fatras obscur

Souvent Brébeuf étincelle!

Boileau avait vu juste dans sa caricature; seulement, il ne devait pas comprendre que l'on consentit à être parfois obscur, au prix de quelques splendeurs.

La Pharsale, cette sombre fresque illuminée d'éclairs, avait de quoi plaire à Brébeuf, comme aussi à Corneille. Lucain, d'ailleurs, avait un attrait naturel et particulier pour les âmes généreuses qui avaient traversé la Fronde, et qui, comme Brébeuf, qui ne s'en défend pas dans ses lettres, avaient conservé de ces luttes civiles une humeur quelque peu républicaine. La traduction de Brébeuf fit événement et provoqua un tournoi de dissertations et de critiques. Pour prendre aujourd'hui la hauteur de ce débat, il suffit de dire que la Pharsale fut agréée de Corneille, de Chapelain et de Mézeray, et qu'elle eut pour détracteurs Boileau, Baillet et le père Rapin (Goujet resta neutre). Entre les deux jugements il y a toute une révolution poétique: celle qui sous la pression du public envahissant, accru par la découverte de l'imprimerie, entreprit de subordonner l'art et l'imagination au bon sens et à l'es

prit, et prépara ainsi pour le siècle suivant le triomphe de la muse didactique et épistolaire.

Brébeuf est un des rares poëtes qui tentèrent au xvir siècle de donner à notre langue le ton et la tournure de l'épopée. Aussi, sa Pharsale est-elle un des monuments les plus intéressants et les plus remarquables de la poésie française. Obligé par la pauvreté autant que par la maladie de vivre éloigné de Paris, il conserva dans la solitude la virginité de l'enthousiasme. Une piété ardente, militante, remplaça, dans les dernières années de sa vie, la passion du bien public et des vertus civiles. Le Romain se fit apôtre. Son dernier ouvrage, qu'il ne put achever, était un livre de polémique religieuse, la Défense de l'Église romaine. Ses poésies diverses, ses Éloges, ses Entretiens solitaires, achèvent de le montrer tel qu'il était, poëte énergique, imaginatif et savant: les Entretiens, œuvre de ses dernières années, et qui sont comme l'ex-voto du poëte chrétien, ont souvent l'allure et la hauteur grave des meilleures strophes de Malherbe.

Brébeuf mourut, comme Desaix, avec le regret de n'avoir pas assez fait pour la postérité. - « Pourtant, s'écrie-t-il dans une de ses lettres, on ne peut faire un crime à un malade de ne se porter pas bien! >>

CHARLES ASSELINEAU.

LA FORÊT DE MARSEILLE

On voit auprès du champ une forêt sacrée, Formidable aux humains et des temps révérée, Dont le feuillage sombre et les rameaux épais Du dieu de la clarté font mourir tous les traits. Sous la noire épaisseur des ormes et des hêtres, Les faunes, les sylvains, ou les nymphes champêtres N'y, vont point accorder aux accents de la voix Le son des chalumeaux ou celui des hautbois. Cette ombre destinée à de plus noirs offices Cache aux yeux du soleil ses cruels sacrifices, Et les vœux criminels qui s'offrent en ces lieux Offensent la nature en révérant les dieux. Là, du sang des humains on voit suer les marbres, On voit fumer la terre, on voit rougir les arbres; Tout y parle d'horreur; et même les oiseaux Ne se perchent jamais sur ces tristes rameaux. Les cruels sangliers, les bêtes les plus fières, N'osent pas y chercher leur bouge ou leurs tanières. La foudre, accoutumée à punir des forfaits, Craint ce lieu si coupable. et n'y tombe jamais. Là, de cent dieux divers les grossières images Impriment l'épouvante, et forcent les hommages. La mousse et la pâleur de leurs membres hideux Semblent mieux attirer les respects et les voeux. Sous un air plus connu la divinité peinte Trouverait moins d'encens et ferait moins de crainte, Tant aux faibles mortels il est bon d'ignorer Les dieux qu'il leur faut craindre et qu'il faut adorer! Là, d'une obscure source il coule une onde obscure Qui semble du Cocyte emprunter la teinture;

« הקודםהמשך »