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L'apparence n'est pas qu'il en demeure là;
Je crois qu'il fera quelque chose.

Il passe d'assez loin les titres ordinaires,

Il serait beaucoup mieux qu'il n'est dans ses affaires,
N'était son grand procès contre un proche parent :
On sait le demêlé du Lis et de la Rose;

S'il peut venir à bout de ce vieux différend,
Je crois qu'il fera quelque chose.

C'est le plaisir des yeux et la douleur des âmes;
Tout ce qu'on voit briller de filles et de femmes,
Ont pour lui, dans le cœur, d'étranges embarras :
Et s'il prend quelque part à la peine qu'il cause,
Que je lui vois tomber d'affaires sur les bras!
Je crois qu'il fera quelque chose.

POUR MADAME 1

REPRÉSENTANT PALLAS

A voir la dignité, la pompe, les richesses,
L'éclat de la personne et la splendeur du nom,
Et tout ce qui convient aux premières déesses,
Diriez-vous pas que c'est la superbe Junon? .

A voir comme on la suit en adorant ses traces;
Comme elle enchaîne ceux qui d'elle sont connus,
Comme elle a dans ses yeux les amours et les grâces;
Diriez-vous pas que c'est la charmante Vénus?

C'est Pallas elle-même, ou quelque autre héroïne,
Qui cache sa fierté sous beaucoup de douceur:

* Henriette d'Angleterre, duchesse d'Orléans, femme de Monsieur, frère de Louis XIV.

Et, sans en affecter la redoutable mine,
Elle en a les vertus, l'esprit, le noble cœur.

Si Pâris revenait, nous verrions ce jeune homme
Bien moins embarrassé qu'il ne fut autrefois :
Il n'aurait qu'à donner à celle-ci la pomme,
S'il voulait être quitte envers toutes les trois.

POUR MADAME LA PRINCESSE DE CONTI
REPRÉSENTANT ARIANE

Ce n'est point Ariane aux solitaires bords,

Qui gémit et se plaint d'un amant infidèle;
Celle-ci ne connaît l'amour ni ses remords;

Elle est jeune, elle est pure, elle est vive, elle est belle,
Et le monde et la cour ne sont faits que pour elle.

Bacchus est le premier de ceux qu'elle a vaincus,
Bacchus est trop heureux de l'avoir épousée,
Leur chaîne par le temps ne saurait être usée,
Et l'on dira toujours: Ariane et Bacchus,
Mais l'on ne dira point: Ariane et Thésée.

ÉPITAPHE D'UNE JEUNE FILLE

Ci-gît qui n'avait que quinze ans,

Qui voulait plaire au monde et qu'on la trouvât belle. Quel dommage pour lui! quel dommage pour elle! Que de beaux jours perdus, aimables et plaisants!..

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Poëte et amoureux sans verve ni tempérament, Charleval avait en partage la complexion négative du bel esprit. Il en eut conscience, et fort soucieux de sa frêle personne, il ne voulut pas d'autre emploi. C'est à ce titre, selon Tallemant, qu'il figurait parmi les amants de madame de Courcelles. « Elle avait Brancas pour brave, Barillon pour payeur; » Du Boulay était l'amant du cœur, et Charleval le bel esprit. La cour ainsi se trouvait complète. Chez Ninon, Charleval n'avait pas non plus d'autre bagage; aussi, comme il fallait plus, pour y obtenir droit de séjour durable, Tallemant ne nous le montre-t-il que parmi les passants de cette maison galante où tant de gens passèrent. Charleval, en un mot, fut le Voisenon de son temps, moins le petit collet, et moins aussi la verve en toutes choses. Voisenon passa toute sa vie à mourir d'un asthme, comme lui-même le disait, et Charleval mit quatre-vingts ans à tâcher de vivre de sa mauvaise santé. Né en 1642, il ne mourut qu'en 1693.

<< M. de Charleval, lisons-nous dans les Mélanges de Vigneul Marville 1, était d'une si faible complexion, qu'on ne pensait pas qu'il dût vivre : cependant par son bon régime, il a prolongé ses jours jusqu'à quatrevingts ans, amusant tout doucement l'espérance de ses héritiers, qui regardaient, dès son enfance, sa succession comme une chose toute prête. La nature, qui lui avait donné un corps si délicat, et si bon tout ensemble, lui avait fait l'esprit de même. Il aima toute sa vie les belleslettres avec tendresse, et les posséda avec jalousie, ne se communiquant pas facilement à tout le monde. Les gens de son temps les plus polis chérissaient sa personne et recherchaient son entretien. >>

11699, in-8, p. 234.

Somaize, en son Dictionnaire des Précieuses1, où Charleval est appelé Cléonyme, porte le même témoignage de ses succès comme alcoviste ou galant diseur de vers dans les ruelles, et de l'empressement qu'on avait partout à surprendre au vol les petites pièces que laissait échapper sa muse trop avare : « Cléonyme est, dit-il, un homme de qualité, fréquentant les alcôves et chérissant les gens d'esprit : il fait fort bien des vers, et ses œuvres courent parmi les ruelles et ornent les tablettes des plus spirituelles. » La chambre jaune de Scarron était un des lieux du Marais où on le rencontrait le plus souvent. Il y était venu avant le mariage du poëte, et il y vint davantage après. Son cœur, où ne brûlèrent jamais que des feux de paille, s'était tout d'abord épris de la beauté de madame Scarron. Elle le traitait comme un ami, mais lui, que ce titre eût pourtant dû satisfaire, s'il eût voulu se connaître mieux, lui répétait Prenez-garde :

Bien souvent l'amitié s'enflamme,

Et je sens qu'il est malaisé

Que l'ami d'une belle dame

Ne soit un amant déguisé 2.

Elle n'en prit pas plus d'épouvante; sa fierté lui servait de défense contre de plus terribles assaillants, et cela sans qu'elle se dispensât d'être aimable. Aussi, en des stances où dès le titre il l'appelle une prude galante 3, mots qui peignent si bien ce qu'elle devait être à cette époque de sa vie, Charleval lui dit-il :

Vous modérez votre fierté

Par une douceur qui m'enchante;
Jamais je n'ai vu de beauté

Si sévère ni si galante.

Scarron, lors même qu'il eût été d'humeur à prendre ombrage de quelqu'un, n'en eût pas pris de Charleval. Quelle peur pouvait lui faire ce dameret dont la muse, comme il disait, n'était nourrie «que d'eau de poulet et de blanc manger; » et qui se tenait au même régime que sa muse? Les femmes au reste ne l'honoraient pas plus de leur constance que les maris de leur jalousie. Ce n'était qu'un amoureux passant, comme on disait chez Ninon, et qui n'avait par conséquent à espérer que des amours de passage. Il coquetait, et l'on coquetait avec lui;

Édit. Ch. Livet, t. 1, p. 62-63. 3 lb., p. 90-91.

2 Poésies de Charleval, 1759, in-12, p. 89.

Sarrasin, son ami, à qui l'on voit qu'il s'en plaignit souvent, lui dit fort bien son fait à ce sujet, en de certaines stances 1 dont voici les dernières :

Ton bel esprit, ta grâce, tes beaux vers,
Charme des cœurs, délices de la France,
Mériteraient, en un temps moins pervers,
Béaucoup d'amour et beaucoup de constance.

Mais toutefois, pour ne te point flatter,

Il faut qu'enfin je te dise à l'oreille :
Tu ne fais rien partout que coqueter;

Et ta Chloris te traite à la pareille.

Charleval d'ailleurs s'absentait trop de Paris; et l'absence donne si beau jeu à l'infidélité! A toutes les belles saisons, il s'en allait en Normandie, dans la terre patrimoniale de Charleval, à laquelle il devait son nom. Il s'y reposait des rudes fatigues de galanterie qu'il s'était données plus par imagination qu'en réalité. De là, il écrivait à ses amours des vers comme ceux-ci :

Au doux bruit des ruisseaux, dans les bois je respire;
C'est là que sur les fleurs j'aime à me reposer :
Je ne quitterais pas ces lieux pour un empire;
Mais je les quitterais, Iris, pour un baiser ...

Qu'eût-il fait si on l'eût pris au mot? Ses hivers se passaient à Paris, et plus qu'ailleurs chez Ninon, dans la rue des Tournelles. Joyeux de se voir en si belle compagnie de galanterie, où l'amour, ne connaissant pas de saisons, laissait toujours ses ardeurs survivre à celles de l'été, il s'écriait, comme s'il eût été de complexion à prendre sa part de cette infatigable éternité de passion:

Je ne suis plus oiseau des champs,
Mais de ces oiseaux des Tournelles
Qui parlent d'amour en tout temps,
Et qui plaignent les tourterelles
De ne se baiser qu'au printemps.

Il avait trop longtemps été de la maison de mademoiselle de Lenclos, pour avoir en quoi que ce fût le moindre pédantisme. Cependant,

1 OEuvres de Sarrasin, 1656, in-8, p. 389. - 2 Poésies de Charleval, p. 94.

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