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« Comme Olivier de Magny, qui vivoit sous le règne de Henry second, « escrivoit d'un style assez doux, et mesme assez fleuri pour son siècle, << il composa un grand nombre de sonnets sur des sujets différens. « Mais entre les siens il y en eut un qui passa pour un ouvrage si << charmant et si beau, qu'il n'y eut presque point alors de curieux qui << n'en chargeast ses tablettes ou sa mémoire. Je ne feindrai point de << l'insérer ici tout entier, puisque ses œuvres ne se rencontrent aujour« d'hui que fort rarement. Et puis il ne faut pas mespriser ces nobles « esprits qui ont tant travaillé à desfricher notre langue, qui estoit avant <«<eux si barbare et si inculte. » Ainsi parle Guillaume Colletet dans son Traité du sonnet; ce court passage m'a paru bon à citer, parce qu'il marque bien vivement, selon moi, le degré d'honneur où vivaient en ce temps-là les poëtes à la cour de France. Les voilà errant par les galeries dorées, à travers une foule brillante de courtisans amoureux et de beautés parées, empressés à recueillir les confidences de leur génie et à les loger au plus bel endroit de leur mémoire, pour en orner leur esprit et leurs discours. Et n'est-ce point en effet la destinée idéale du poëte, telle que la pouvait réaliser une époque chevaleresque, éprise d'héroïsme et de galanterie, que de vivre honoré parmi les plus grands et les plus belles; de dicter à tous la loi du beau et du poli, et de servir de truchement aux plus nobles amours? Les dernières lignes du paragraphe ne sont pas moins à noter, comme indices d'un mouvement heureux dans les esprits et dans les études littéraires

La date de la naissance d'Olivier de Magny étant inconnue, nous ne pouvons lui assigner son rang d'après l'ordre chronologique adopté pour ce volume, mais nous croyons devoir le placer dans le voisinage du groupe de la Pléiade auquel il se rattache.

au commencement du xvII° siècle. Elles sont dignes du poëte délicat qui des premiers, sinon le premier, eut la pensée de remonter dans le passé de notre littérature, et qui poussa l'amour de la poésie jusqu'à s'en faire l'historien.

Le sonnet de Magny, auquel Colletet fait allusion, est le Dialogue entre Caron et l'auteur, que nous citons comme un exemple du goût qui régnait alors. « Je ne sais pas, ajoute Colletet, ce qu'en diroit mainte<< nant la Cour, mais je sais bien que toute la cour du roi Henry second << en fit tant d'estime, que tous les musiciens de son temps, jusqu'à << Orlande de Lassus, travaillèrent à le mettre en musique et le chan<< tèrent mille fois avec un grand applaudissement, en présence du roy et « des princes. » Ainsi, ce n'était pas assez de les entendre réciter et de les redire, il fallait encore les chanter et les chanter mille et mille fois! Tout ce qu'on sait de la vie d'Olivier de Magny, et l'on n'en sait rien que ce qu'il dit lui-même dans ses œuvres, achève de le montrer en parfait poëte de cour, vivant noblement et en gentilhomme, employé dans les ambassades et dans les missions diplomatiques. Sur la fin de sa vie, il fut nommé secrétaire du roi. Il avait été introduit à la cour par Hugues Salel, le traducteur d'Homère, son compatriote, tous deux étant du Quercy. Salel, en ce temps de faveur pour la poésie, était lui-même très-favorisé. Il était abbé commendataire de Saint-Chéron, valet de chambre ordinaire du roi, et l'un des quatre grands maîtres de son hôtel. Ses amis, ses protecteurs devinrent ceux d'Olivier de Magny, et entre tous, Jean d'Avanson, seigneur de Saint-Marcel, conseiller privé, qui devint plus tard surintendant des finances sous Henri II. Le sire d'Avanson avait été pour Hugues Salel un patron fidèle et généreux; il ne fut pas moins bienveillant pour Olivier de Magny, qu'il adopta pour ainsi dire, et auquel il ouvrit la carrière diplomatique. Olivier lui dut plus encore; nommé ambassadeur du roi de France à Rome, M. d'Avanson se l'attacha comme secrétaire. Il put donc, gràce à lui, réaliser ce rêve qui était comme le complément d'éducation de tous les poëtes d'alors, voir Rome et l'Italie. I put renaître, le poëte de la Renaissance, sur ce sol d'où nous revenait alors tout le regain des études antiques. Un grand nombre des poésies d'Olivier de Magny sont en effet datées de Rome, ou font allusion à son séjour. Il regretto dans une épître à son patron :

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Mais surtout il regrette, par-dessus les antiquités, les peintures et les palais en ruine, les beaux visages entrevus aux fenêtres, sur le Corso et sous les colonnades:

Je m'imagine une autre Dianore,

Une autre Laure, ou une autre Pandore;

Il m'est advis qu'en long habit romain,
Un esventail ou panache à la main,

Je vois encore une brave Arthemise...

Cette mémoire des yeux et du cœur nous dévoile l'âme tout entière, et jusqu'à un certain point toute la destinée d'Olivier. Jamais vie ne fut plus que la sienne influencée par les femmes, et cette influence commença pour lui avec la première éducation. Élevé sur les genoux d'une mère tendre et vigilante, il semble qu'il ait gardé toute sa vie le souvenir des caresses, et comme l'odeur des vêtements féminins. Il parle lui-même avec une émotion vraie de cette douce mère qui lui apprit à lire, et qui, tout en lui faisant répéter ses leçons, recommandait à ses maîtres de ne le point traiter durement. Cette éducation du giron le rendit tendre et sensible pour toujours. Joach. Du Bellay, qui l'avait connu, nous apprend qu'il était petit et délicat. Il fut, tant qu'il vécut, le faible enfant, le poupon affamé de caresses et de protection. L'amour, dit Goujet dans son article sur Olivier de Magny, le fit poëte dès sa jeunesse. Son premier recueil qu'il intitula Castianire, suivant la mode du temps, à l'imitation de l'Olive de Du Bellay, de l'Ariane d'Amadis Jamyn, de la Franciane de Baïf, etc, etc., est en effet, tout entier composé de vers d'amour. Qui était la Castianire? On l'ignore, mais nous savons maintenant qu'Olivier eut parfois des attachements plus illustres. Ses amours avec la belle cordière de Lyon, Louise Labbé, restés jusqu'ici à l'état de fait à enquerre et de rumeur vague, ont été récem– ment prouvés dans un remarquable article de M. Éd. Turquéty, auquel nous renvoyons volontiers. M. Turquéty a étudié en poëte la vie d'Olivier de Magny, c'est-à-dire qu'il l'a étudiée dans ses œuvres et vers par vers. Le rapprochement de certaines pièces, de certaines rimes même des deux poëtes a prouvé pour M. Turquéty, et doit prouver désormais pour tous une intelligence de cœur entre eux. Olivier de Magny estil coupable, comme on le lui a souvent reproché, pour avoir triomphé publiquement dans ses œuvres de la passion qu'il avait inspirée? Je pense là-dessus, avec M. Turquéty, qu'il convient de faire grandement la part d'un temps où le monstre appelé opinion publique n'existait pas, et où tous les grands, poëtes ou princes, pouvaient défier la

tyrannie du vulgaire. Cet amour poétique, mariage de génie et d'âme, couronne dignement la vie d'Olivier de Magny; il marque le point culminant et radieux de son odyssée amoureuse.

Toutes les poésies de Magny ne sont point des poésies d'amour. Ses odes, d'un style très-élevé et très-noble, et que Colletet estime les meilleures de ses œuvres, traitent tous les sujets, depuis l'allégorie héroïque jusqu'aux événements contemporains. On y trouve des hymnes à la Santé et à Bacchus, des vœux à Pan, à Palès, à Mercure, à Vénus, des épithalames, des chants funéraires; il y décrit ses occupations, ses voyages; une des dernières en date célèbre la prise de Calais sur les Anglais, en 4558. Ce recueil, publié un an avant la mort de l'auteur, nous fait trouver aujourd'hui comme un reflet de la gloire qu'il eut pendant sa vie, dans l'éclat des noms des dédicataires auxquels les pièces sont adressées. Le poëte et l'homme de cour y revivent entourés d'une double auréole faite des noms de Ronsard, Du Bellay, Maurice Sève, Remy Belleau, Hugues Salel, Mellin de Saint-Gelais, de Diane de Poitiers, de Jean de Bourbon, du cardinal Farnèse, Nicolas Compain, François de Tournon, Georges d'Armagnac, Jean de Pardaillan, etc. Mais surtout on trouve dans ces odes, où le souffle lyrique abonde, l'art, le grand art du xvi siècle: richesse du vocabulaire, richesse et justesse des images, faculté de n'exprimer que ce que l'on veut, et d'exprimer tout ce que l'on veut; art de composition et de plastique en vers; et enfin cette souplesse qui est le produit de la vraie science et la marque de la vraie puissance, et qui permet d'être, suivant la disposition de l'esprit ou suivant les mouvements de l'âme, spirituel ou passionné, lyrique ou burlesque. Car Olivier de Magny a fait aussi des poésies bouffonnes, des gayetés, que Goujet trouve obscènes, et dont quelquesunes seulement sont tout au plus libertines, de la liberté que prenaient tous les poëtes d'alors, les plus éthérés comme les plus sceptiques, les plus enjoués comme les plus graves, Ronsard comme Baïf, Remy Belleau comme Saint-Gelais.

La Croix du Maine est le seul des historiens critiques qui assigne la date de la mort d'Olivier de Magny; il la fixe en 1560.

CHARLES ASSELINEAU.

V. sur Olivier de Magny Colletet, (Vies des poètes français, mss.); Goujet (Bibliothèque française, t. XII); Bulletin du Bibliophile, novembredécembre 1860, article de M. Édouard Turquéty; Catalogue poétique de Viollet-Le Duc, etc.

ODES

Mon Castin, quand j'aperçois
Ces grands arbres dans ces bois
Dépouillés de leur parure,
Je ravasse1 à la verdure
Qui ne dure que six mois.

Puis, je pense à notre vie
Si malement 2 asservie,
Qu'el' n'a presque le loisir
De choisir quelque plaisir,
Qu'elle ne nous soit ravie.

Nous semblons à l'arbre verd
Qui demeure, un temps, couvert
De mainte feuille naïve,
Puis, dès que l'hiver arrive,
Toutes ses feuilles il perd.

Ce pendant que la jeunesse
Nous repand de sa richesse,
Toujours gais, nous florissons;
Mais soudain nous flétrissons 5,
Assaillis de la vieillesse.

Car ce vieil faucheur, le Tems,

Qui devore ses enfans,

Ayant ailé nos années,

Les fait voler empennées

Plus tost 6 que les mêmes vents.

Doncques, tandis que nous sommes,

Mon Castin, entre les hommes,
N'ayons que notre aise 7 cher,
Sans aller là haut chercher

Tant de feux et tant d'atomes.

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