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En quel fleuve areneux jaunement s'escouloit
L'or, qui blondist si bien les cheveux de ma dame?
Et du brillant esclat de sa jumelle flamme,
Tout astre surpassant, quel haut ciel s'emperloit?

Mais quelle riche mer le coral receloit

De cette belle levre, où mon desir s'affame?
Mais en quel beau jardin, la rose qui donne ame
A ce teint vermeillet, au matin s'estaloit?

Quel blanc rocher de Pare', en ettofe marbrine
A tant bien montagné cette plaine divine?
Quel parfum de Sabée 2 a produit son odeur?

O trop heureux le fleuve, heureux ciel, mer heureuse,

Le jardin, le rocher, la sabée odoreuse,

Qui nous ont enlustré le beau de son honneur 3!

Combien de fois dessus ta belle main,
La mignardant de ma bouche lascive,
J'ay delaissé mainte enseigne naïve

Que de ma dent j'y engravois en vain!

Veu qu'en ton cœur, cœur de marbre ou d'erain,

Cette morsure aucunement n'arrive ;

Mais dans le mien, esternellement vive,
D'un souvenir, el' me ronge, inhumain.

Je suis semblable à celuy qui veut prendre,
Et qui, au lieu de ce qu'il veut surprendre,
Dans son filé se voit le premier pris;

Car, te pensant laisser une morsure
D'une mortelle et rampante blessure,
A l'impourveu je me trouve surpris.

1 Paros.

2 Du pays de Saba.

3 Sa glorieuse beauté.

BAISERS

Qui a leu'comme Venus,
Croisant ses beaux membres nus
Sur son Adonis qu'el' baise,
Et luy pressant le doux flanc,
Son col douillettement blanc
Mordille de trop grand' aise;

Qui a leu comme Tibulle,
Et le chatouillant Catulle,
Se baignent en leurs chaleurs;
Comme l'amoureux Ovide,
Sucrant un baiser humide,
En tire les douces fleurs;

Qui a veu le passereau,
Dessus le printemps nouveau,

Pipier, batre de l'esle,

Quand d'un infini retour

Il mignarde, sans sejour 3,
Sa lascive passerelle;

La colombe roucoulante,
Enflant sa plume tremblante,
Et liant d'un bec mignard

Mille baisers, dont la grâce

Celle du cygne surpasse

Sus sa Lode fretillard;

Les chevres qui vont broutant,
Et d'un pied leger sautant
Sur la molle verte rive,

Lors que d'un trait amoureux,
Dedans leur flanc chaleureux,
Ell' brulent d'amour lascive;

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BIBLIOT

Celuy qui aura pris garde

A cette façon gaillarde

De tels folastres esbas,

Que, par eux, il imagine
L'heur de mon amour divine,

Quand je meurs entre tes bras.

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Baise-moy tost mignardement;
Baise-moy colombellement."

Tu ne veux donq que je te touche?
Ça, redonne-moy cette bouche,
Et me baisant soufre qu'un peu
J'esteigne l'ardeur de mon feu.

Ha, là! friande, que mon ame
Se pert doucement en ton basme!

Ne t'endors point de ce sommeil,

Ne t'endors point, mon petit œil,
Ne t'endors point, ma colombelle,
Ne t'endors point, ma tourtereile;
Ha! Dieu, qu'il fait bon mordiller
Ces belles roses, et piller
Un million de mignardises,
Pendant que, par douces feintises,
Ce bel œil nageant à demy,
Contrefait si bien l'endormy,
Cependant que ma mignonnette,
Soutient de sa levre mollette,
Plaine d'un nectar nompareil,

Tant de mols baisers de reveil!

Ne vois-tu pas comme l'aurore,
Ceste envieuse, recolore

Desja, d'un esclat jaunissant,
L'avant-jour par tout blondissant?
Helas! helas! que peu me dure
Cette tant heureuse avanture!

O combien m'est court le desduit1
De cette tant mignarde nuit!

Puis donques que le jour nous presse,

Adieu, ma petite maistresse,

Adieu, ma gorgette et mon sein,

Adieu, ma delicate main;

Adieu, mon œil, adieu mon cueur,
Adieu, ma friande douceur!

Tu pleures, ma douce fole!
Tend moy les bras, que je t'acole,
Et que, pour ton dueil 2 apaiser,
Je te donne encor un baiser;
Que je suce encor, mignonnette,
De tes yeux une larmelette.

1 Plaisir.

2 Douleur.

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Si Remy Belleau n'est pas la plus grande étoile de cette constellation poétique qu'on a appelée la Pléiade française, il en est sans doute la plus brillante. Il n'a ni l'éclat fulgurant de Jupiter ou de Ronsard, ni la clarté limpide et sereine de Mars ou de Joachim Du Bellay; mais nul n'a eu, mieux que lui, la lumière vive et scintillante, la flamme prismatique, le lumen coruscum que les belles nuits nous montrent dans Sirius, le diamant du ciel. S'il n'avait fallu qu'un exemple pour montrer quel merveilleux instrument pouvait être dans les mains d'un poëte cette langue française qu'on a, sur la foi du xvIII° siècle, tant appeléo la langue de la prose, à quel brillant, à quel relief elle pouvait atteindre, Belleau aurait suffi. Son œuvre entière est comparable à une forêt délicieuse subitement éclairée par la flamme pénétrante des feux de Bengale, et dont les moindres détails, les plus sombres profondeurs apparaissent magiquement illuminées. Heureusement, ici, point de trahison à craindre. La perfection de l'art égale la perfection de la nature, et il n'est pas de recoin, même le plus écarté, qui redoute le rayon accusateur. Dans cette prodigieuse époque de rénovation poétique, qui eut la noble folie du beau, Belleau nous montre l'art achevé à côté de l'art fougueux, le soin exquis et fin à côté de l'audace, l'in tenui labor, mais relevé par la puissance de l'inspiration et par la grandeur du dessin. général. Pour la grâce et le sentiment, on peut le comparer à La Fontaine. C'est un La Fontaine en effet, mais un La Fontaine esclave du rhythme, et qui eût tenu le vers libre pour forfaiture. Lors même qu'il s'attendrit ou qu'il s'abandonne le plus, Belleau veut que sa fantaisie soit arrêtée et incisée avec la précision du plus pur camée. Artiste

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