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Denys d'Halicarnasse, les Arrien, les Diodore de Sicile, les Lucien, les Strabon, les Plutarque et les Pausanias. Ces hommes étaient comme des jardiniers qui arrosent un petit terrain au moyen de réservoirs, mais non pas comme la pluie, qui abreuve et fertilise des plaines immenses.

La Grèce n'avait plus cette créatrice des génies, l'égalité des droits du citoyen. Sous Alexandre et ses successeurs, la jeunesse grecque n'entendait retentir à ses oreilles que les sons terribles de pouvoir absolu, de force arbitraire, ces mots qui flétrissent l'âme et dégradent les sentimens. Sous les Romains, le degré d'avilissement était tel, que les descendans d'Épaminondas et de Miltiade se prosternaient devant l'insolent affranchi d'un insolent proconsul. Dans la suite, le siége de l'empire romain ayant été transporté à Byzance, y fut accompagné du luxe et de la fainéantise des patriciens dépravés, indignes des illustres noms de famille qu'ils portaient. En donnant le titre de capitale de l'empire à la ville de Byzance, anciennement une des villes grecques du second rang, on l'avait obligée d'oublier son origine, ses usages et ses mœurs, pour devenir toute Constantinople; à l'exemple de quelques riches seigneurs, qui, en épousant des bourgeoises, leur enseignent à dédaigner leur

ancien état, et même à oublier leurs parens.

Les titres de tous les dignitaires de la nouvelle Rome étaient en langue latine; les termes de jurisprudence l'étaient aussi. La cour, les fonctionnaires publics, les militaires, la haute société, affectaient de parler la langue des dominateurs; celle des Grecs courait risque de se corrompre totalement par la bigarrure difforme du grec et du latin. Mais l'Église d'Orient, toujours libre, toujours au-dessus des vicissitudes politiques, conservait la langue originale des saints Évangiles. C'est du sein de l'Église d'Orient que sont sortis les modèles de l'éloquence de la chaire, les Basile, les Grégoire, les Cyrille et les Chrysostome. Ces Pères de l'Église grecque, en prêchant la morale évangélique, maniaient la langue des anciens auteurs grecs, et, du haut de la chaire chrétienne, ne voyant dans tout leur auditoire que des frères en Jésus, ils nivelaient les riches et les pauvres, les faibles et les puissans, les fils des princes entourés de satellites, et les orphelins délaissés. La langue grecque allait reprendre une partie de sa force et de sa pureté, quand un essaim de sectaires s'éleva de toute part, et couvrit l'horizon de l'Église. On cessa alors de prêcher au peuple la morale et les devoirs de l'homme en société; on discuta en chaire

sur les matières théologiques, et l'on réfuta les novateurs hérésiarques, qui, semblables à l'hydre, se multipliaient sous les coups. Le peuple n'entendant rien au langage obscur de ces continuelles abstractions, ne pouvait tirer aucun profit de la chaire, seule alors capable de populariser la langue. Ainsi le peuple grec, corrompant journellement sa langue par le mélange des idiomes, l'altéra d'une manière sensible dès le temps même de Justinien.

Constantinople, en qualité de capitale de l'empire d'Orient et d'Occident, et à cause de sa situation heureuse, attirait une affluence d'étrangers. Les troupes de l'Empire étaient un amalgame de toutes les nations et de toutes les langues; les grades supérieurs de l'armée, les plus éminentes dignités de l'Empire, se donnaient également aux individus de toutes les nations. La capitale devenait un réceptacle de langues barbares, qui troublaient les sources de la langue hellénique. Justinien, indigne de gouverner, abandonnant au hasard du lendemain les affaires les plus pressantes et les plus délicates, au lieu d'appaiser les troubles intérieurs et extérieurs de l'Empire, devenait juge et partie dans les disputes sanglantes du cirque de Constantinople. On n'a qu'à lire dans l'histoire de Procope les injures

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que se lançaient les deux factions, les Vénètes et les Prassines, pour se convaincre du degré de corruption où la langue grecque était alors arrivée.

il

Justinien rédigea son code fameux. Législateur de ses peuples, il leur donnait le premier l'exemple de l'infraction des lois, par la dissolution de ses mœurs; et, tandis que lui et ses favoris commettaient sans réserve des crimes atroces, il croyait pouvoir arrêter par ses édits jusqu'aux moindres fautes de ses sujets; il prétendait qu'en s'intitulant Empereur par la grâce de Dieu, pouvait être cruel, parjure, immoral, injuste, par la grâce de Dieu! Accablé sans relâche par les irruptions des Barbares du Nord et par les agressions des Persans, qui le méprisaient, il crut défendre le territoire de l'Empire, non par la discipline de ses troupes et par le choix de généraux expérimentés, mais par la construction d'une quantité prodigieuse de forteresses : ce qui occasiona de si grandes dépenses, qu'il se permít, pour y faire face, de s'approprier les fonds et les revenus annuels de toutes les écoles publiques de son empire. Ce fut le coup le plus mortel qui ait jamais été porté aux sciences et aux belleslettres; les écoles furent fermées, les professeurs dispersés et réduits à la misère; les ténèbres de

l'ignorance, auxiliaires du despotisme, se répandirent partout. L'ignorance, mère de la superstition, et dupe de l'hypocrisie, croyait faire une œuvre méritoire en brûlant, comme profanes, les parchemins, dépôts précieux des connaissances et du génie des anciens, ou en les raclant, pour y substituer les légendes et les visions de quelques moines exaltés. Les exemplaires des ouvrages classiques devenaient si rares, que ceux qui parvenaient à les lire, étaient obligés d'en tirer des extraits appelés Chrestomathies. Ainsi, depuis l'époque de Justinien jusqu'à la prise de Constantinople, la décadence de la littérature et la corruption de la langue grecque allèrent de front avec le dépérissement des forces de l'empire.

On ne doit pas passer sous silence le terrible épisode de cette longue tragédie; je veux parler du démembrement de la Grèce, et de la honteuse conquête de Constantinople par les Croisés. Poussés par la furie du schisme et par l'avidité, ces princes chrétiens, sous l'influence de Venise, morcelèrent en petites principautés le continent et les îles de la Grèce, saccagèrent les villes les plus riches, incendièrent plusieurs bibliothèques, brisèrent des statues, et rendirent plus épaisses les ténèbres de la barbarie.

En parcourant cette longue série de catastro

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