תמונות בעמוד
PDF
ePub

pris parmi les hommes qui ont gardé le célibat ou qui n'ont été mariés qu'une fois, parce que l'ordre qu'ils reçoivent représente d'une manière toute particulière le mariage spirituel de JésusChrist, mariage unique, virginal, éternel et indivisible. Tant que Tertullien est resté catholique, il ne connaît l'Eglise sous aucun autre point de vue; devenu montaniste, il change de système, et cela suffit pour montrer comment le montanisme, si innocent en apparence, devient grave dès qu'il s'agit d'apprécier d'après lui l'Eglise, la hiérarchie, et même les sacrements. Les dogmes les plus fermes s'évaporent par sa force dissolvante. Dès que l'on reconnaissait le principe d'une nouvelle inspiration immédiate du Paraclet, il devenait nécessaire de rouvrir le cercle des révélations divines, clos par les apôtres, afin d'y en admettre d'autres. On protestait à la vérité contre toute altération de la foi; on prétendait ne faire de changements qu'à la discipline, mais en vain; de la discipline on passe rapidement au dogme, car ce principe est lui-même un dogme nouveau 139. Ces hommes, qui se prétendaient inspirés, se plaçaient d'ailleurs dans une position toute particulière à l'égard de l'Eglise, qui, par leur intervention, devait être élevée à la plus haute perfection spirituelle. Ils ne recevaient leur autorité ni des apôtres qu'ils complétaient, ou pour mieux dire qu'ils amélioraient, ni de l'Eglise qu'ils dominaient et bâillonnaient; cette autorité était une lumière divine et immédiate qui les entourait et qui dissipait entièrement l'obscurité qui pouvait rester encore dans la foi et dans la vie spirituelle. Les évêques qui, d'après cela, n'avaient plus qu'à transmettre, mais non à corriger ou à ajouter, se tenaient placés à l'ombre 14°. L'Eglise cessait d'être ce qu'elle avait été jusqu'alors, c'est-à-dire la source de la vérité, de la connaissance et de la grâce, dans laquelle tous devaient puiser; de

dos, qui est episcopus, dehinc presbyteri et diaconi, non tamen sine episcopi auctoritate propter ecelesiæ honorem, quo salvo, salva pax est. Alioquin etiam laicis jus est... Sed quanto magis laicis disciplina verecundiæ et modestiæ incumbit, ne sibi adsumant dicatum episcopis officium episcopatus, etc.

139 De Virg. veland., c. 1. - De Monogam., c. 1-3, 14. 140 De Pudicit., c. 1, 3, 21.

venue plus pauvre qu'un petit nombre de ses propres enfants, elle devait s'instruire, recevoir d'eux la perfection et leur remettre même les clefs du ciel. Les montanistes se regardaient comme une société d'hommes parfaits (Spiritales) ***, parmi lesquels aucun individu ne pouvait rester dès qu'il tombait dans un péché mortel; aucune espérance de réconciliation ne lui était laissée. Une église de cette espèce ne peut s'occuper d'aucun pécheur, puisqu'aucun lien ne la rattache plus à lui; elle n'a que faire des clefs, qui ne lui serviraient tout au plus qu'à ouvrir la porte aux gentils 14. Tout esprit de communion cesse, l'intercession même des martyrs est sans force; le plus grand acte de pénitence devient ridicule. Le pouvoir de remettre les péchés est, selon Tertullien, un pouvoir divin, et ne saurait, par conséquent, appartenir qu'à l'esprit de Dieu, lequel ne se trouve que dans son Eglise, c'est-à-dire dans l'Eglise spirituelle ou montaniste. Par la même raison, il ne peut être appliqué que par elle et par ses organes remplis de l'Esprit, mais en aucun cas, par l'église des psychistes et ses évêques 143. A ce système se rattache naturellement celui du sacerdoce universel de tous les chrétiens, même laïques; et quoique Tertullien ne détruise pas complétement la différence entre le laïque et le prêtre, néanmoins, en leur imposant des devoirs égaux, il fait entrer en quelque sorte les premiers dans le partage des priviléges d'état et de fonction '44. Enfin, la nou velle doctrine était surtout destructive en ce que plusieurs conseils que Jésus-Christ et les apôtres avaient laissés au libre arbitre furent élevés au rang de lois expresses, ce qui en dé truisait tout le mérite '45. Il ne s'apercevait pas qu'en changeant

14' De Monogam., c. 1. Cf. De Pudicit., c. 21.

142 De Pudicit., c. 3, 6, 12 sqq. Ils n'accordent aux évêques que le droit de remettre les péchés véniels... salva illa pœnitentiæ specie post fidem, quæ aut levioribus delictis veniam ab episcopo consequi poterit, aut majoribus et irremissibilibus a Deo solo. C. 18.

143 De Pudicit., c. 13., 22, 21. Adeo nihil ad delicta fidelium capitalia potestas solvendi et alligandi Petro emancipata... Ideo ecclesia quidem delicta donabit, sed ecclesia Spiritus per spiritalem hominem, non ecclesia numerus episcoporum. Domini enim, et non famuli, est jus et arbitrium, Dei ipsius, et non sacerdotis.

144 De Exhort. cast., c. 7. 145 De Monogam., c. 2.

De Monogam., 12.
De Exhort. cast., c. 3.

en obligations positives ces libres développements de l'esprit chrétien, il renversait de ses propres mains son idéal de perfection chrétienne. Dans son vertige, il ne songeait pas que ses tendances ascétiques, malgré tout le prix qu'il y attachait, lui avaient déjà fait dépasser les limites de l'Eglise existante pour le pousser au séparatisme. Cependant, cela même aurait dù le faire réfléchir, puisque le vrai Paraclet unit et ne divise pas, et qu'aucun développement de perfectionnement chrétien, quelque spécieux qu'en puisse paraître le but, ne saurait remplacer la perte de la charité.

En attendant, ce ne sont pas là les seules occasions dans lesquelles Tertullien n'a vu les choses que d'un seul côté; il lui échappe bien d'autres imperfections encore dans sa polé mique; toutefois il y a aussi des points qu'on lui a injustement reprochés. Il n'entre pas dans notre plan de les développer ici, et nous nous bornerons à remarquer que toutes ces erreurs, quelque importants que dussent en être les résultats, peuvent diminuer sa gloire, sans affaiblir la reconnaissance qui lui est due pour ses éminents services.

Editions. L'obscurité du style de Tertullien et la nature particulière de sa latinité ont beaucoup embarrassé ses copistes et par suite les critiques. Il n'y a point d'écrivain qui ait fourni des variantes aussi nombreuses et aussi importantes que Tertullien; mais, en revanche, il n'y en a point qui ait trouvé tant de commentateurs et d'aussi zélés, ce qui n'empêche pas que ses ouvrages ne laissent encore beaucoup à désirer. La première édition de ses œuvres fut publiée par Beatus Rhenanus, à Bâle en 1515, d'après deux manuscrits. Ce texte fut réimprimé plusieurs fois, notamment en 1550 et 1566. René de la Barre (Paris 1580), et avant lui Jacques Pamélius, s'efforcèrent d'en donner une édition complète et satisfaisante; ce dernier en 1579 à Anvers. Ce travail se répandit dans un grand nombre d'éditions différentes, quoique le commentaire qui s'y trouve joint, dépasse toute mesure par son étendue. Tertullien trouva un nouveau commentateur et éditeur dans le jésuite Louis de la Cerda, Paris 1624, 1630, 1641, en 2 vol. Ce travail surchargé d'interprétations, est demeuré incomplet. Nicolas Rigault commença par publier quelques écrits sépa

III.-IX.

8

rés de Tertullien, Paris 1628, et donna son édition complète en 1634, et une seconde en 1635. Le texte en est corrigé d'après de nouveaux manuscrits et éclairci par des remarques critiques, tant de Rigault lui-même que d'autres philologues, et parmi ces remarques, il y en a qui portent aussi sur le contenu même de l'ouvrage. En 1635 et 1644, il y ajouta un volume de supplément, contenant les commentaires qui avaient paru jusqu'alors. Philippe Priorius donna une nouvelle édition de Tertullien en 1664. Elle est moins complète que celle de Rigault et n'a que peu de valeur. Le capucin George d'Ambois publia à Paris, 1646-1650, un commentaire de Tertullien en trois volumes et sous le titre singulier de Tertullianus redivivus. Ce travail offre un grand étalage de science, mais il est d'une prolixité excessive et dépourvu de critique. Cette édition fut suivie de celle de Moreau, augustin, Paris 1658, en trois volumes, intitulée : Tertulliani Omniloquium alphabeticum rationale tripartitum. Le premier volume contient les divers ouvrages de l'auteur, avec des dissertations sur ses erreurs véritables et supposées; dans les deux autres volumes, on trouve des lieux communs tirés de ses ouvrages et rangés par ordre alphabétique. Les éditions de Venise, 1701 et 1708, avec des notes choisies, ainsi que celle de Cologne, 1716, n'offrent rien de particulier. Celle de Giraldi, Venise, 1744, est meilleure; on y a joint plusieurs dissertations qui avaient paru dans l'intervalle, telles que celle de Havercamp sur l'Apologétique. Les bénédictins de la congrégation de Saint-Maur se sont à la vérité occupés aussi de cet utile travail; mais le désir de voir paraître une édition de Tertullien publiée par eux, n'a jamais été rempli. Semler a donné à Halle, 1769-1775, une belle édition en 5 vol. in-8°, d'après celle de Bâle 1521, avec de bonnes notes critiques; cette édition fut complétée en 1776, par Schutz, qui dans un sixième volume donna une table des matières et un vocabulaire. C'est d'après cette édition que s'est réglé Oberthur; dans celle qu'il a donnée des Pères latins, t. I et II, mais en n'admettant qu'un petit nombre des notes les plus importantes. Les éditions de Cailleau, Milan 1821, et de Gersdorf 1839, sont à peu près égales en mérite, si ce n'est que cette dernière se distingue comme plus complète et offre une plus saine critique.

Indépendamment des éditions que nous venons de citer, plusieurs ouvrages de Tertullien ont aussi été publiés séparément; tels que l'Apologeticus, qui l'a été avec une grande supériorité par Havercamp, Leide 1718. De Oratione, par Pancirolli et Muratori, dans le t. III des Anecdot. lat., Pavie 1713; de Præscriptionibus, par Ch. Lupi, Bruxelles 1675; de Pallio, par Richer, Paris 1600; par Théod. Marsilius, 1614; par Saumaise, Leide 1622; ad Nationes, par Jac. Gottfried, Genève 1625, etc.

MINUCIUS FÉLIX.

MARCUS MINUCIUS FÉLIX était jurisconsulte et avocat à Rome. Nous ne déciderons pas s'il était Romain de naissance, ou bien Africain, comme certaines personnes ont cru pouvoir conclure, d'après ses relations sociales et le style de ses écrits; nous ignorons également s'il était ou non de l'illustre famille des Minucii. La dureté de son style n'est pas assez grande, et ses rapports avec Tertullien et d'autres amis dont nous parlerons plus bas ne furent pas de nature à rendre son origine africaine incontestable. Il peut avoir fait la connaissance du premier à Rome, et quant aux autres, il est fort douteux qu'ils fussent Africains eux-mêmes'. D'un autre côté, les grandes familles de Rome ayant toutes de nombreux clients, qui, en s'attachant à elles, prenaient aussi leur nom, il est impossible de décider si Félix appartenait réellement à celle des Minucii. Ce qui est certain, c'est que Minucius Félix, d'abord païen', conserva longtemps encore sa religion primitive, après qu'il fut entré à Rome dans la vie publique, et qu'il continua à exercer la profession d'avocat, après avoir em

1

Ceillier, Histoire, tom. II, p. 222. Ce qu'il dit en parlant de Fronto de Cirta, précepteur de Marc-Aurèle (Octav., c. 9, 31), n'est point décisif, puisque l'expression de Cirtensis noster dans la bouche de Cæcilius peut s'entendre des rapports de religion, et il paraît en effet que cela est ainsi par l'expression de Fronto tuus, c. 31. Cf. Tillemont, Mémoir. T. III, p. 71.

* Octav., c. 1,

5.

[ocr errors]
« הקודםהמשך »