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>> chose que ce que Dieu a prononcé sur chacun de nous » (quam quod de unoquoque nostrum Deus fatus est)? Ce Dieu, » connaissant le sujet d'avance, peut fixer les destinées (fata) » de chacun d'après ses mérites et sa constitution. On nous »juge donc, non d'après le hasard de la naissance, mais d'a» près la nature de l'esprit'. »

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En considérant le Christianisme sous ce point de vue, on obtient la solution des énigmes que les païens poussaient jusqu'à l'athéisme. La disproportion entre la vertu et le bonheur extérieur, les vicissitudes de la vie, que l'homme vertueux partage avec le méchant, et dont il souffre même plus que lui, ne se combinent pas, dans le plan de Dieu, seulement pour l'avantage des justes, mais deviennent des moyens pour parvenir au but de la Providence. Les peines extérieures n'ébranlent donc pas la conviction des chrétiens. Octavius exprime ce sentiment avec enthousiasme. « Si l'on dit de nous que nous sommes pour la plupart pauvres, ce n'est pas là pour nous >> une honte, mais un honneur. Car si l'esprit s'énerve par la gourmandise, il se renforce par la sobriété. D'ailleurs est-on >> pauvre quand on n'a pas de besoins, quand on ne désire pas » les biens extérieurs, et qu'on est riche pour Dieu ? Celui-là » est vraiment pauvre qui, possesseur de vastes richesses, en » désire encore davantage. Je parle comme je le pense; nul ne » peut être aussi pauvre qu'il est né... Et quel magnifique » spectacle pour Dieu que celui d'un chrétien luttant contre la >> douleur? d'un chrétien qui s'arme contre les menaces et la >>torture? qui méprise les cris de mort et l'aspect du bour>> reau? qui se pose libre devant les rois et leurs ministres, et >> ne se soumet qu'à Dieu à qui il appartient? qui, vainqueur >> et triomphant, brave celui qui l'a condamné à mort? Car » celui-là est vainqueur qui a obtenu ce qu'il cherchait... Le » chrétien peut donc paraître malheureux, mais il ne le sera » pas en réalité. Vous-même, vous élevez jusqu'au ciel des » hommes très-malheureux; un Mucius Scevola, qui, s'étant » trompé sur la personne du roi, ne sauva sa vie qu'aux dé» pens de sa main. Combien d'entre nous ont sacrifié, non

16 Octav., c. 36.

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>> seulement leur main, mais leur corps tout entier, qu'ils ont » laissé déchirer et brûler, sans pousser une plainte, et cela quand il dépendait d'eux d'échapper à tant de souffrances! >> Mais vos Mucius, vos Aquilius, vos Régulus étaient des >> hommes; chez nous de faibles femmes et des enfants, en» flammés du désir de souffrir, se rient de vos croix, de vos » tortures, de vos bêtes féroces et de tous vos instruments de » martyre. Et pauvres que vous êtes, vous ne comprenez pas » que personne ne se livre gratuitement à la peine, et ne peut » supporter les tortures sans le secours de Dieu ! » Puis avec un véritable enthousiasme chrétien, Octavius continue à montrer que le bonheur du païen et le malheur du chrétien ne sont tous deux qu'apparents. « Sans connaissance de Dieu, quelle » félicité peut avoir un fondement solide? Elle n'est qu'un » songe, elle se dissipe avant qu'on la saisisse. Es-tu roi? tu > crains autant que tu es craint, et quoiqu'entouré d'une suite » nombreuse, tu es seul en présence du danger. Es-tu riche? » tu te fies mal à propos à la fortune; le court voyage de la vie » n'est pas facilité, mais plutôt embarrassé par d'abondantes » provisions. » Quand on reprochait aux chrétiens une tristesse, ennemie de la sociabilité et de tous les plaisirs de la nature, Octavius répond: «Nous qui estimons par-dessus tout » les bonnes mœurs et la retenue, c'est avec raison que nous » nous éloignons de vos plaisirs, de vos fêtes et de vos specta»cles, dont nous connaissons fort bien l'origine païenne; et » dont nous condamnons les funestes appâts. Qui ne frémirait » à la vue des folles querelles auxquelles le peuple se livre » pendant les jeux du cirque; pendant ceux des gladiateurs, » véritable école de meurtre? Dans vos théâtres la démence n'est pas moins grande, tandis que l'impudeur l'est beaucoup plus, etc. » « Mais qui doute que nous ne jouissions avec plaisir des fleurs du printemps, puisque nous cueillons avec plaisir la rose, le lis et toutes les fleurs dont la vue ou le parfum flatte les sens? Nous les prenons seules ou nous en » faisons des bouquets. Si nous n'en couronnons pas nos têtes, » veuillez nous le pardonner, le siége de l'odorat est pour

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17 Octav., c. 36-37.

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>> nous dans le nez et non pas dans le crâne ou dans les che» veux. Nous ne couronnons pas non plus nos morts; votre » manière d'agir me paraît fort étrange. Si le mort conserve » le sentiment, pourquoi le brûlez-vous? et s'il ne le conserve >> point, pourquoi le couronnez-vous? Les heureux n'ont pas besoin de fleurs, et les malheureux n'y trouvent pas de plaisir. Quant à nous, les funérailles de nos morts se font » avec la même tranquillité avec laquelle nous vivons; nous ne » leur attachons point une couronne qui se flétrit, mais en » attendons une, tressée de la main du Seigneur et composée » de fleurs éternelles; nous assurant modestement de la libéralité de notre Dieu, et nous reposant dans l'espérance de » la félicité qu'il nous promet en l'autre vie, nous croyons »> néanmoins fermement que sa majesté est toujours présente >> en celle-ci. Ainsi nous ressuscitons pour le bonheur éternel, » et nous vivons dès à présent heureux par la contemplation » de l'avenir. Que Socrate, ce bel-esprit d'Athènes, s'enorgueillisse du témoignage d'un démon trompeur, et proclame » qu'il ne sait rien. Que d'autres encore en disent autant. » Nous méprisons l'arrogance des philosophes que nous con> naissons pour des corrupteurs, des faussaires et des tyrans, » et qui sont éloquents contre leurs propres vices. Nous ne portons point notre sagesse dans les habits, mais dans le » cœur ; nous n'employons pas de grands mots, mais nous vivons avec grandeur. Nous nous vantons d'avoir trouvé ce qu'ils ont cherché avec beaucoup de peine et qu'ils n'ont jamais pu rencontrer.. Jouissons de notre bonheur, réglons nos opinions sur la vérité; réprimons la superstition, ban>> nissons l'impiété, et conservons la vraie religion'. »

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Jusqu'ici nous avons considéré la différence entre le Christianisme et le paganisme sous les rapports de la doctrine et de la morale. Mais nous ne pouvons nous dispenser d'attirer encore l'attention sur une autre différence de principe dont il est question dans cette apologie. Ce qui rendait aux yeux des chrétiens, du moment de leur conversion, la religion qu'ils venaient de quitter si méprisable, et ce qui souvent même

18 Octav., c. 38.

19

rendait si pénible aux partisans de cette religion d'y rester attachés; en un mot, ce qui, jusqu'alors, à l'insu du monde, donnait à ses divinités l'existence, la forme et la vie, c'était le pouvoir des démons . La lutte religieuse et spirituelle qui commença lors de l'apparition du Christianisme, et qui divisa le genre humain en deux camps, fit connaître que si, dans le Christianisme, l'homme s'élevait à sa dignité idéale, par la connaissance de Dieu et par la morale, le paganisme, au contraire, était véritablement la religion de la chute, le fruit du péché originel, un essai pour établir la souveraineté du démon sur l'humanité. Cette pensée est aussi vraie que terrible. Nous ne pouvons donner un démenti à l'histoire ou nier des événements qui coïncident avec l'établissement de la religion chrétienne, et qui sont attestés par tous les apologistes de cette religion. Tous disent, en effet, et s'accordent à cet égard avec Minucius Félix, que c'étaient les esprits impurs et déchus, les démons qui entraient en communication avec les idoles, et qui poussaient les hommes à les adorer : c'étaient eux qui faisaient naître les horribles extases des oracles; qui étonnaient et effrayaient l'imagination; qui, grâce à la spiritualité de leur substance, s'introduisaient dans les corps et tourmentaient les hommes sous l'apparence extérieure de diverses maladies, telles que l'épilepsie, la démence, la folie, etc., et qui faisaient souvent même semblant de se laisser apaides offrandes, etc. 2°. Le motif extérieur de conviction

ser par

19 Tertull. de Anima, c. 1.

20

20 Octav., c. 27. Isti igitur impuri spiritus, dæmones, sub statuis et imaginibus consecrati delitescunt, et afflatu suo auctoritatem quasi præsentis numinis consequuntur, dum inspirantur interim vatibus, dum fanis immorantur... oracula efficiunt falsis pluribus involuta. Nam et falluntur et fallunt, ut nescientes sinceram veritatem, et quam sciunt, in perditionem sui non confitentes. Sic a cœlo deorsum gravant, et a vero Deo ad materiam avocant, vitam turbant, omnes inquietant; irrepentes etiam corporibus occulte, ut spiritus tenues, morbos fingunt, terrent mentes, membra distorquent, ut ad cultum sui cogant, etc., etc. - Cf. Athenag. Legat. pro christ., c. 26, 27. Justin. Apolog. I, c. 12. — Orig. contr. Cels., VII, 3, 69. Exhort. ad Martyr., c. 46.-Tatian. Orat. c. Græc., c. 12, les appelle avec raison Latrones divinitatis.- Clem. Alex. Cohort., c. 4, p. 49.

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sur lequel les apologistes appuyaient leur assertion, c'était que les démons, auteurs de ces souffrances, étaient forcés, en présence des païens, de répondre aux chrétiens et de sortir du corps des possédés. Les chrétiens même du peuple étaient doués de ce pouvoir. Rien de plus simple que les moyens qu'ils employaient ils invoquaient le seul vrai Dieu ou ils prononçaient le nom de Jésus, ou bien ils lisaient quelques passages de l'Evangile, en appuyant le volume sur le possédé ; l'effet en était immédiat et complet. Aucune illusion n'était possible, car ces guérisons avaient lieu en présence même des païens et à leur prière, dans des temps et des pays différents : les savants l'ont avoué, de sorte qu'il n'est pas possible de l'attribuer à une imagination malade". Notre auteur dit à ce sujet : « La

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* Octav., ibid. Hæc omnia sciunt plerique, pars vestrum, ipsos demonas de semetipsis confiteri, quoties a nobis tormentis verborum et orationis incendiis de corporibus exiguntur, etc. — Orig. c. Cels. I, 6. En cet endroit Celse reconnaît le pouvoir des chrétiens sur les démons, mais il l'explique par le secours d'autres démons. Origène répond que cela n'est pas vrai : οὐ γαρ κατακηλησεσιν ίσχυειν δοκουσι (χριστιανοί), άλλα τῷ ὀνοματι Ίησου μετα της απαγγελίας των περι αὐτον ἱστοριων ταυτα γαρ λεγόμενα πολλακις τους δαίμονας πεποιηκεν άνθρωπων χωρισθῆναι, και μάλιστα όταν οἱ λέγοντες απο διαθεσεως ὑγιους και πεπιστευκυίας γνησιως, αύτα λεγωσι· τοσουτον μεν γε δύναται το όνομα του Ιησου κατα των δαιμόνων, ὡς ἐσθ ̓ ἔτε και ὑπο φαύλων ὀνομαζόμενον άνυειν κ. τ. λ. IL. VII, 4. — Justin, Apol. II, 6, invoque devant l'empereur ce pouvoir des chrétiens qui, lorsque la science de la médecine et la magie demeuraient sans effet, chassaient les démons à Rome et dans tout le monde, en prononcant le nom de Jésus crucifie. Και νυν ἐκ τῶν ὑπ' όψιν γινομενων δυνασθε μαθειν δαιμονιοληπτους γαρ πολλους κατα παντα τον κοσμον, και ἐν τῇ ὑμετερᾳ πολει, πολλοί των ημετέρων άνθρωπων των χριστιανων ἐπορκίζοντες κατα του όνοματος Ιησου Χριστου, του σταυρωθέντος ἐπι Ποντίου Πιλάτου, ύπο των άλλων παντων ἐπορκιστων και ἔπαστων και Φαρμακευτων μη ίαθεντας ίασαντο, και έτι νυν ίωνται, καταργούντες και ἐκδιώκοντες τους κατέχοντας τους ανθρωπους δαίμονας.-Theoph. Antioch. ad Autol. II, 18. Tatian. Orat. contr. Græc., c. 16, 18. — Je citerai seulement Tertullien, Apologet., c. 22, 23. Après avoir dit que les démons sont les esprits déchus que les païens adorent, il en donne cette preuve : Edatur hic aliquis sub tribunalibus vestris quem dæmone agi constet.

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