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esprits, qu'aucun effort humain n'était plus capable de la miner ou de l'ébranler. L'Eglise catholique différait essentiel. lement, sous ce rapport, de l'hérésie. Tandis que cette dernière se présentait, dès son origine, comme une science (gnosis) à laquelle la foi était subordonnée et ne formait par conséquent, de ses partisans, qu'une association humaine et scientifique, l'Eglise, au contraire, ne pensait avoir d'autre mission que de croire, de transmettre la foi reçue et de l'implanter successivement dans chaque nouvelle génération, sans cependant empêcher que ceux de ses membres qui étaient doués de talents particuliers, cherchassent à élever cette foi donnée à la hauteur d'une science. Elle rejetait la science qui se posait comme fondement de la foi, parce qu'elle la regardait comme en contradiction avec son origine divine. En attendant, les circonstances des temps, et les luttes contre les païens et les gnostiques offrirent de nombreuses occasions de se livrer à ces essais spéculatifs. Les premiers attaquaient la foi du chrétien en général comme un assemblage d'opinions qui, dépourvues de base suffisante, ne pouvaient résister à une investigation approfondie. Les autres la regardaient, à la vérité, comme quelque chose de meilleur, de plus positif; mais en y joignant l'idée d'une certaine nécessité de nature; et de même qu'ils faisaient une distinction entre vμа et ux, entre des hommes pneumatiques et des homme psychiques, de même aussi ils attribuaient la foi, comme quelque chose d'inférieur et de borné, et par son origine et par son essence, ils l'attribuaient, dis-je, aux hommes psychiques; tandis que la gnosis, plus élevée, appartenait à l'homme spirituel. Par ces erreurs, auxquelles l'Eglise ne pouvait rester indifférente, les Pères catholiques se sentirent excités à expliquer, développer et confirmer, par les véritables rapports de l'intelligence humaine avec le contenu donné de la révélation, celle de la science avec la foi, et par suite le véritable principe de la science chrétienne. Ils regardaient la foi comme la croyance à la vérité de ce qui avait été révélé par Jésus-Christ, uniquement à cause de l'autorité dont il jouissait comme envoyé de Dieu. Ainsi que Jésus-Christ est et demeure le même pour tout le monde, ainsi la foi est et sera la même dans tous

les temps pour tous les hommes. Par la même raison, disaientils, la gnosis ou la connaissance de cette foi ne saurait être différente de la foi elle-même; la seule différence entre elles en est une de forme, qui consiste en ce que le même objet de la révélation divine est adopté avec plus ou moins de clarté par la conscience de chaque individu et devient chez lui une idée positive, selon le degré plus ou moins élevé de son instruction. La gnosis se développe donc de la foi, par la réflexion sur la foi; celle-ci demeure donc en cela d'une certitude immédiate; elle est le principe et la pierre de touche définitive de toute science religieuse. C'est d'elle que tout part; c'est vers elle que tout retourne. Or, comme la foi positive qui seule donne à la gnosis sa force et son sujet, se trouve exclusivement dans l'Eglise catholique, et en elle seule est déposée et conservée dans toute sa pureté, il s'ensuit naturellement que cette Eglise est la mère et la tutrice de la véritable gnosis, et que si celle-ci veut être chrétienne, il faut qu'elle soit catholique.

Les Pères reconnurent donc que c'était là la seule base que pût avoir une philosophie religieuse et chrétienne. Si l'Eglise catholique se conformait dans toute son étendue à la foi transmise, élevée au-dessus des développements que recevait la science, et indépendante de ces développements, rien n'était plus facile que de rechercher en tout temps les points par lesquels elle se rattachait à la science et ses rapports avec elle, afin de satisfaire les exigences de la raison. Il n'en était pas de même pour l'hérésie; mobile et incertaine, elle ne reconnaissait pour la doctrine de Jésus-Christ que ce qu'elle s'imaginait comprendre, à l'aide de l'instruction répandue à chaque époque; aussi ne représentait-elle jamais que les opinions du siècle dans lequel elle naissait, et elle tombait avec l'empire de ces opinions. C'est aussi pour cette raison que la gnosis catholique n'a jamais pu, comme telle, se laisser lier à un système philosophique quelconque. Tous ces systèmes sont périssables, et la foi reste seule, comme la pierre de touche de toute science. A cette époque la philosophie platonicienne était la plus en vogue; elle paraissait offrir plus de rapports qu'aucune autre avec les idées chrétiennes et être par consé

quent la plus utile. C'est pour cela que les Pères de l'Eglise de ce siècle lui ont donné la préférence; mais cette préférence n'a jamais été exclusive, attendu qu'elle ne pouvait pas satisfaire à tous les besoins, et que son application n'était pas non plus sans dangers. C'est pourquoi Clément d'Alexandrie, quoique grand admirateur de Platon, se montra le partisan déclaré de l'éclectisme.

L'application de cette gnosis formée sur de pareils principes, est prouvée par des exemples qui nous restent de cette époque. Clément, dont nous venons de parler, développa, d'après ces principes, l'apologie du Christianisme contre les païens et les gnostiques, dans sa Cohortatio ad gentes et dans ses Stromata; mais il s'efforça encore dans son Pædagogus de fonder scientifiquement, d'après eux, la morale chrétienne. Origène qui suivit son maître sur la même route, mais sans expérience et avec moins de tact, fit la première tentative, malheureusement sans succès, pour coordonner les doctrines de la croyance chrétienne et en former un corps de système scientifique. Leurs successeurs à Alexandrie conservèrent la même direction d'esprit; leurs disciples en firent autant, et cette direction s'étendit bientôt dans un cercle plus vaste.

à

Les services que ces Pères rendirent à l'Eglise de cette époque et de l'époque suivante, en se livrant aux études de la philosophie, furent incalculables. Il ne se bornèrent pas combattre avec tout le poids de leur autorité les païens et les hérétiques, mais ils exercèrent encore sur l'intérieur même de l'Eglise l'influence la plus salutaire, en la purifiant de quelques erreurs et notamment de celle du millénaire, qui s'était attachée à la foi dès les premiers temps du Christianisme, mais qui n'était devenue dangereuse que dans le cours du troisième siècle. L'esprit borné du judaïsme, qui avait tant de peine à se dissiper complétement, ne pouvait encore parvenir à se figurer un royaume de Dieu purement spirituel. Les promesses du prophète, mal interprétées, combinées avec quelques discours de Jésus-Christ dans l'Evangile, mais surtout avec l'Apocalypse, entretenaient toujours l'attente d'un règne matériel du Messie, et cela d'autant plus que le malheur des temps privant les chrétiens de toute espèce de bonheur ter

restre, rendait de plus en plus vif le besoin d'un état plus supportable. Le millénaire acquit d'après cela beaucoup de partisans: saint Irénée le défendit avec assez d'ardeur, tandis qu'Origène, par sa représentation plus sublime du Christianisme, s'efforçait de le bannir des esprits; mais le temps n'en était pas encore venu. Un certain Nepos prit les chiliastes sous sa protection contre les allégoristes, et occasionna par ses écrits une grande fermentation en Egypte. Mais alors saint Denys d'Alexandrie, disciple d'Origène, combattit ce système avec une grande supériorité de talent, et finit par le bannir complétement d'Egypte. La même puissance et les mêmes progrès de la science chrétienne se montrèrent encore dans la lutte contre les antitrinitaires, où les défenseurs de la foi durent appeler à leur aide toute leur activité et toute leur adresse.

Les études exégétiques reçurent aussi une impression plus vive, et furent suivies sur une échelle plus vaste par l'école des catéchistes d'Alexandrie. Ce fut Origène qui déploya sous ce rapport le plus grand talent, et c'est aussi l'écrivain dont le plus grand nombre d'ouvrages sont parvenus jusqu'à nous. A côté de lui se place Hippolyte, auteur d'un commentaire sur les six jours de la Création, sur le livre de l'Exode, sur plusieurs prophètes, sur les Proverbes, sur l'Ecclésiastique, sur le Cantique des cantiques, ainsi que sur les Evangiles de saint Matthieu et de saint Jean, et sur l'Apocalypse. Grégoire le Thaumaturge, Jules l'Africain, Purius, Méthodius et d'autres, se sont encore distingués, ceux-ci par des commentaires sur quelques livres entiers, ceux-là par des dissertations sur certains sujets particuliers, tels que l'histoire de Susanne, la généalogie de Jésus-Christ d'après saint Matthieu et saint Luc, etc. Quelques passages, tels que l'Oraison dominicale, ont été plusieurs fois expliqués avec esprit et sensibilité, par Tertullien, Origène et saint Cyprien. La méthode de l'interprétation demeura généralement allégorique, d'après des motifs que nous indiquerons plus bas ; il ne manque toutefois pas d'écrits dans lesquels la méthode grammaticale et historique a été suivie avec le plus grand succès.

A mesure que, par suite de la marche triomphante du

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Christianisme, la foi acquérait une nouvelle force sur les esprits, qu'elle perfectionnait la vie sous les rapports moraux et sociaux, et s'efforçait de lui imprimer sa propre forme, l'ascétisme et la discipline chrétienne furent attirés dans le cercle des réflexions et des dissertations littéraires. Les circonstances du temps en fournirent principalement l'occasion. Dans les intervalles de repos, la sévérité des mœurs s'était un peu affaiblie parmi les chrétiens; on remarqua plusieurs fois une tendance à retourner aux anciennes coutumes du paganisme, et les nombreuses apostasies qui eurent lieu sous la persécution de Décius, témoignèrent de l'affaiblissement de l'esprit chrétien. Tertullien fit les plus grands efforts pour arrêter cette tendance; il s'en occupa dans ses écrits de Spectaculis, de Pœnitentiâ, etc.; saint Cyprien composa dans le même esprit son ouvrage de Lápsis. C'est encore à ce sujet que se rapportent certains traités sur des vertus particulières : de Patientiâ, de Castitate, etc., et surtout les excellents écrits sur la Virginité, de Tertullien, de Cyprien et de Méthodius; enfin plusieurs ouvrages pour exhorter au martyre. Ce genre d'écrits devint à cette époque aussi nombreux que l'avaient été auparavant les apologétiques destinés à faire cesser les persécutions.

Ce siècle est encore remarquable, en ce que, pendant son cours, parurent les premiers ouvrages ecclésiastiques, écrits en latin. A la vérité ils ne sont pas en grand nombre; mais, dès leurs premiers pas, ils se montrent plus dignes de leurs modèles grecs qu'on ne devait l'attendre d'une littérature commençante. Tertullien surtout, mais aussi saint Cyprien, Minutius Félix, Arnobe, Lactance, sont des noms d'un grand poids, ou du moins fort remarquables. Nous en parlerons dans l'ordre chronologique qu'ils ont occupé, et l'on verra alors qu'ils possèdent des qualités supérieures aux Grecs sous quelques rapports, et qui leur sont particulières.

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